Kölle Alaaf : Dieser Automat ist ausser Betrieb….Ce distributeur est hors service…

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Comme chacun sait, Carnaval, c’est le week-end prochain. Comme chacun le sait également : Cologne est, outre-Rhin, la capitale incontestée du « Karneval ». Dès le 11 novembre de chaque année en effet, à 11 heures 11 très précisément (pendant que les Français fêtent l’armistice de la guerre 14-18), une grande partie des habitants de cette ville rhénane catholique « rigolarde » (mais qui fut annexée par le Royaume de Prusse – protestant, pas rigolo donc – au XIXème siècle), se prépare par le biais de centaines d’associations à fêter quelques mois plus tard le solstice de mars.

Soit à persifler les mêmes prussiens, leur militarisme, leur sens de « l’ordre », de la rigueur, de la discipline… mais aussi feu Napoléon 1er, qui avec ses grognards ne fit pas mieux pendant l’occupation française de la ville vers 1800.

Sur cette base, Carnaval à Cologne, c’est alors 5 jours de fête pour sortir de l’hiver (yé), 2 millions de visiteurs pour le « Rosenmontag » (le lundi des roses avant le mercredi des cendres soit le début du carême), des millions de bonbons jetés sur les carnavalistes etc…

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Pour autant, à Cologne, Carnaval, c’est quasi au quotidien, et ces derniers temps cela commence à faire beaucoup.

Prenons par exemple, le « cas » de la KVB, entendez, le réseau de transport public qui, grâce à ses bus, trams et autres RER, est sensé desservir la ville et ses alentours. Alors, la KVB est une des rares entreprises que nous connaissons à… ne pas fonctionner du tout. Ou rarement. Ainsi, il est usuel – disons, plus que courant, voire normal en quelque sorte – qu’à chaque fois que vous empruntiez un de ses véhicules et vous dirigiez vers son distributeur automatique pour faire votre devoir et acheter un billet, celui-ci annonce « Dieser Automat ist ausser Betrieb » (ce distributeur est hors service)… Bon. En fait, vous n’êtes pas trop mécontent du tout, car cela vous évite de payer un trajet.

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Quelques stations plus loin cependant, vous prenez une correspondance, et là, toujours pénétré d’un sens du devoir civique absolu, vous vous dirigez également vers le distributeur automatique qui vous annonce…. : « Dieser Automat ist ausser Betrieb ».

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Non, mais c’est comme ça. Tous les jours, qu’il pleuve, vente ou neige. Peu importe la ligne.

Par exemple, la toute nouvelle « Ligne 17 », ouverte il y a peu en grande pompe et couvrant EXACTEMENT 5 stations. Utilité ? Personne ne le sait exactement. De mauvaises langues dans les quartiers concernés affirment que « cette ligne porte le numéro du nombre de passagers qu’elle transporte par jour ». Et de s’esclaffer. Ah, Ah, Ah. A Cologne on aime rigoler, surtout quand on sait que la dite ligne n’a de fait été ouverte que pour compenser celle qui ne verra pas le jour avant 2023 (oui, vous avez bien lu 2023) car entre temps, comme les matériaux de construction utilisés n’étaient pas aux normes, un de ses tunnels s’est effondré, emportant avec lui les archives municipales (Cologne est une vieille ville romaine et médiévale) et… faisant 2 morts.

Ce n’est pas grave, ça roule quand même, sans distributeurs, mais avec quelques contrôleurs supplémentaires, surgissant de manière inopinée pour vérifier que vous ne voyagez pas au noir (vous me suivez… c’est à cause des distributeurs….) et combler ainsi le « trou » de la KVB.

Avec un chiffre d’affaire de 254 millions d’euros en 2014, un déficit de 91 millions d’euros pour un « moins » de 71 millions d’euros de trésorerie, celle-ci consacrait quand même pas moins de 181 millions pour son personnel. Etrange manière de calculer.

Passons.

Car cela n’est pas tout. Loin s’en faut. En septembre dernier, c’était la candidate au poste de Maire qui manquait de se faire égorger par un xénophobe isolé certes, mais déchaîné. En octobre, les élections municipales étaient repoussées parce que les bulletin de vote n’étaient pas imprimés aux normes, en décembre la ré-ouverture de l’Opéra attendrait quelques années parce qu’il y avait une erreur dans les devis et le 31 décembre dernier, sur le parvis de la gare, la police complètement débordée, laissait se faire tripatouiller moultes femmes par des groupes d’immigrés éméchés.

Pour autant, l’office du tourisme de la ville, en face de la gare également, ne semble visiblement pas avoir compris, car, dans sa vitrine, il propose aux touristes carnavalistes à venir de s’offrir… un tee-shirt de la police colonaise en guise de souvenir.

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Kölle Alaaf. Parfois, trop c’est trop.

Dès mardi prochain, la presse allemande ne manquera certainement pas de tirer à boulet rouge sur « Kölle ». Parfois, on comprend. Ce sont encore les Wise Guys qui ont raison dans leur chanson.

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31.12 à Cologne : Patatras

Oui, il s’est vraiment passé quelque chose de très grave à Cologne la nuit du 31 décembre dernier. Grave de par les faits en eux-mêmes. Grave pour leurs conséquences.

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Les faits en eux-mêmes : la presse française s’en est largement fait l’écho et continue à le faire. Rappelons tout de même que cette nuit là, traditionnellement fêtée en Allemagne par des lancements de pétards et des feux d’artifices « privés »,   un groupe de « 2000 nord-africains » enivrés a semé la zizanie devant la gare de Cologne, agressant massivement les femmes qui s’y trouvaient ou essayaient de passer. Sexuellement s’entend, comme c’est malheureusement souvent l’habitude sur la place Tahrir du Caire.

Pour l’heure, l’enquête avance peu, la police étant débordée comme elle le fut ce soir là, et personne n’est en mesure de dire :

  • Qui étaient vraiment ces hommes donc dits « nord-africains » ou « arabes » ? 31 suspects ont été « arrêtés », dont 18 seraient des demandeurs d’asile.
  • Comment sont-ils arrivés là ? Actuellement, les autorités outre-Rhin penchent pour une coordination sur les réseaux sociaux (d’autres villes ont aussi été « victimes »), mais rien n’est certain et on se demande aussi : pourquoi ?
  • Quel était l’intérêt de ces « jeunes hommes », visiblement tous issus d’une immigration plus ou moins récente, de se comporter EN OCCIDENT comme dans leur pays ? On ne comprend pas. Un très intéressant article de Christiane Hoffmann, responsable adjointe du bureau du Spiegel à Berlin, paru hier dans le magazine du même nom, apporte certes un éclairage intéressant sur la question (« Entre misère et machisme », pour les germanistes, suivez le lien ). Mais on ne comprend quand même pas quel était leur intérêt. Et, devenue quelque peu parano, on se prête à penser à une sorte de « 5ème colonne » organisant le tout pour semer la zizanie.
  • Les victimes bien sûr. Tous les jours, le nombre de plaintes déposées augmente. Hier 120, elles s’élèvent aujourd’hui à 379, les trois quart pour agression sexuelle. Deux plaintes pour viol attesté ont également été déposées.

Leurs conséquences :

  • dans un premier temps, il s’agit naturellement de faire avancer l’enquête et de « punir » les auteurs des faits, car il n’est évidemment pas question dans un Etat de droit que des femmes soient tripotées dans la rue, qu’on leur « caresse » l’entrejambe, les fesses, cuisses, seins et plus et je vous épargne. Mais cela va être un gros bazar. Qui sont-ils, où sont-ils, qu’ont-ils vraiment fait ? Dans quelle mesure, toutes les plaintes couvrent-elles des faits réels ou fantasmés?
  • Car évidemment cet événement ne tombe pas du tout à point nommé, soit en pleine « crise » des réfugiés, dont plus de 1,1 millions ont été accueillis par l’Allemagne en 2015.
  • Il tombe bien sûr aussi sur un fonds de xénophobie latente comme dans toute société.
  • La porte est donc ouverte à tous les amalgames, toutes les peurs.
  • Les clivages vont s’exacerber. Et cela a déjà commencé.

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Samedi à Cologne, plusieurs manifestations ont eu lieu l’une à la suite des autres ou parallèlement. Une flash mob organisé par une association de féministes, une manif de néo-nazis cachés sous la bannière de Pegida (ce mouvement anti-islam venu de l’Est) et sa contre manif, le tout étant dispersé à coup de canons à eau par la police.

Triste.

Le 30 décembre encore, à table, on disait à nos enfants combien on était touché par l’attitude des autorités allemandes et de tous les bénévoles qui depuis des mois s’activent à n’en plus pouvoir pour accueillir et gérer l’afflux des migrants du Moyen-Orient. Par le biais de la presse, d’affiches et de réunions dans les foyers d’hébergement (souvent des gymnases), ceux-là s’efforçaient en effet d’expliquer aux réfugiés comment on fête la Saint-Sylvestre en Allemagne. Qu’il ne fallait pas avoir peur des pétards et feux d’artifice, que ce n’étaient pas des bombes, des tirs de mitraillettes… et que rien ne leur arriverait. Bienveillants, les allemands engagés voulaient prévenir la réactivation de leurs traumatismes.

Le 31.12.2015, à Cologne, tout s’est cassé la figure. Patatras.

Angela : merci et tiens bon.

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Aujourd’hui, jour pour jour, cela fait très exactement 10 ans qu’Angela Merkel, leader du parti conservateur CDU outre-Rhin, a été élue Chancelière de la RFA et préside aux destinées de son pays. Et, pour une bonne partie, de l’Europe.

Dix ans qui, il y a peu encore, paraissaient souvent une éternité, tant Angela était passée maître de la politique du « silence », du ne rien dire et d’abord ne rien faire, pour… épuiser un à un ses contradicteurs, et, in fine, aboutir à des compromis tellement consensuels qu’ils en étaient effectivement… indiscutables. Ou, variante, prendre au dernier moment et par surprise les mêmes à rebrousse poil, soit leur couper l’herbe sous le pied et… s’en débarrasser (sortie du nucléaire : « Tschüss » les Verts).

Résultat : l’Allemagne était anesthésiée. Ce qui n’était pas pour lui déplaire.

Depuis les atroces attentats qui ont ensanglanté Paris il y a quinze jours et surtout depuis août dernier qui a vu et voit toujours l’arrivée massive outre-Rhin de réfugiés du Moyen-Orient et des Balkans (bientôt un million), tout semble avoir basculé cependant. Et l’on découvre avec étonnement une Angela qui, fille de pasteur protestant pendant longtemps enfermée derrière les murs de la RDA, se révèle peut être enfin à elle-même au risque de bousculer ses compatriotes.

Sensible, humaine, ouverte et certainement idéaliste, pour l’heure elle ne lâche toujours pas sur ce que l’on peut certainement en politique qualifier de sentiments compassionnels « inadaptés ». A moins qu’au contraire il s’agisse enfin de l’affirmation de certaines valeurs morales trop longtemps oubliées?

En tous les cas et une fois n’est pas coutume : Merci Angela et tiens bon.

«Une ville qui célèbre la liberté»

Le 14 novembre, dans l’allocution qui a suivi les massacres de Paris, c’est ainsi une Angela toute vêtue de noire et quasi au bord des larmes qui s’est présentée au public.

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Bien sûr, on pourrait se prêter à rêver enfin d’une sorte de coalition franco-allemande qui porterait demain politiquement et militairement l’étendard des Lumières, des valeurs européennes. Mais, dans ce pays « neutre » et profondément pacifiste qu’est la RFA, tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille que le partage des rôles va bouger. A l’Allemagne, forte économiquement, la gestion de la crise « humanitaire», à la France, exsangue (et où, pour cause, personne ne veut aller), l’envoi de ses forces armées. Mais de l’amitié franco-allemande, des liens qui unissent profondément nos concitoyens, on ne peut pas douter. Ici, oui, on peut dire que tous les allemands partagent ce qu’elle a dit alors  – «Nous, vos amis Allemands, nous nous sentons si proches de vous, nous pleurons avec vous » – lançant ensuite un appel pour que chacun apporte sa réponse individuelle au terrorisme : «Notre liberté est plus forte que la terreur ».

Skieuse imprudente?

Alors que, près de trois mois après l’ouverture des frontières outre-Rhin, 5 000 à 10 000 réfugiés continueraient d’affluer chaque jour vers l’Allemagne, bien malin celui qui peut dire comment, tout comme en France, la situation va évoluer en interne.

Evidemment, l’aile droite de son parti et sa variante bavaroise CSU ultra-conservatrice, lui tombe a bras raccourci sur le dos, soignant son électorat et jouant sa survie/raison d’être politique.

Evidemment, la popularité d’Angela a quelque peu baissé, ou dit autrement, son impopularité est passée de 32% en juillet à 42% actuellement.

Evidemment et notamment à l’Est, les clivages politiques se creusent, les partisans de Pegida et Legida, ces mouvements anti-islams implantés à Dresde et Leipzig, trouvant en face d’eux lors de leur manifestations des lundis qui rassemblent de 1000 à 10 000 personnes, autant d’opposants, citoyens mobilisés contre le racisme ou militants d’extrême gauche.

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Evidemment, la disponibilité des allemands à accueillir des réfugiés s’érode, 50% disant aujourd’hui que « cela suffit ». Les capacités d’accueil sont saturées, les situations sanitaires et sociales préoccupantes, les bénévoles pour certains épuisés ou déçus.

Mais la « Willkommenkultur » qui a caractérisé l’Allemagne de cet été, n’est peut être pas non plus qu’un épiphénomène, soit « morte ».

D’abord, on s’imagine mal, quel aurait été l’effet en termes d’image, si en août dernier, des milliers de policiers armés avaient bloqués les frontières allemandes, refoulant vers leur pays d’origine, les colonnes de réfugiés qui s’y pressaient. Notamment de syriens, puisque c’est en refusant de les renvoyer chez eux qu’Angela a « tout déclenché ». On en aurait lu des commentaires peu amènes, enfonçant le clou pour dénoncer une Allemagne égoïste, opulente grâce à l’Euro mais toujours et comme au bon vieux temps xénophobe.

Ensuite, cela serait méconnaître la générosité qui caractérise profondément l’Etat et les citoyens allemands.

Au rang des donateurs pour les pays en voie de développement, l’Allemagne se place en effet toujours à la troisième position mondiale en volume absolu.

En juillet dernier, ce sont aussi ses ressortissants qui se sont montrés les plus généreux lors d’une opération de « Crowdfunding » privée, lancée par un cadre londonien pour …. sauver la Grèce et l’aider à rembourser ses dettes ! Le monde à l’envers en quelque sorte.

Et en 2013, le montant des dons privés effectués par les allemands lors de catastrophes naturelles avait atteint le record de 4,7 milliards d’euros.

Enfin, il n’est pas si sûr que ça que « sur le terrain », l’altruisme s’essouffle entièrement. Certes, la situation est tendue et ça et là se produisent des échauffourées. Mais à Cologne, dans le Nord-Ouest, où 8000 réfugiés sont hébergés et si l’on en croit des dires de personnes concernées, cela serait plutôt le contraire. A Riehl, en tous les cas, un quartier pourtant résidentiel de la ville, l’initiative citoyenne qui travaille étroitement avec la municipalité  voit « les propositions d’aide continuer à arriver».

Surtout, Angela persiste et signe, refusant toujours de définir une «limite supérieure » d’accueil et invitant toujours ses compatriotes à se dépasser. Le 16 novembre dernier, à l’issue d’une réunion tendue avec la CSU elle a encore affirmé : « Nous vivons de la compassion, de l’amour du prochain, de la joie de faire partie d’une communauté ». On croit rêver.

 

Bourgogne : « Bein, moi, je vais voter Marine ! »

En ce matin du dimanche 22 mars 2015, dans un village du nord de la Bourgogne comme partout ailleurs en France, le retour du printemps que l’on croyait acquis depuis une semaine déjà, n’est plus d’actualité.

Pourtant, du bout de leurs tiges drues et pleines de vitalité, les jonquilles sont écloses et vous toisent de toute leur splendeur jaune dorée. Mais le ciel est gris, brumeux, il fait froid et l’on frissonne en remettant une bûche dans la cheminée.

Sur la table du petit déjeuner, notre hôte du jour, déploie autour de son bol de café fumant, les 3 tracts officiels des élections départementales pour lesquelles les bureaux de vote viennent d’ouvrir.

« Bein, moi, dit-il d’un ton bravache, je vais voter Marine ».

Et vlan pour – ou plutôt contre – les élites du cru, les petites bisbilles personnelles entre ces messieurs dames, les taxes diverses qui ont encore augmenté, Hollande qui est vraiment trop nul, Sarko que ce n’est pas mieux, la vieillesse et ses misères…

La sortie, tout en défi, n’est pas censée prêter à discussion, mais on rétorque un ferme : « tu sais ce que j’en pense : rien de bon. Et puis, ce n’est pas malin. Imagine toi que tout le monde fasse comme toi ? Vous allez être bien après en France ».

Évidemment tout le monde a fait comme lui.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne/2015/03/09/departementales-2015-dans-l-yonne-le-canton-de-pont-sur-yonne-est-dans-la-ligne-de-mire-du-fn-671187.html

En Bourgogne tout du moins et dans l’Yonne en particulier où le FN est arrivé avec 25,18% des voix derrière l’UDI (29,5%) et devant le PS (20%), raflant 4 cantons dès le premier tour et se qualifiant quoi qu’il en soit dans 19 sur les 21existant. Du jamais vu dans ce département de tout temps anticlérical, rad-soc, PS ou gentiment de droite « républicaine ». Après le Sud-Est, le FN s’étend bien progressivement dans tout le Nord-Est de la France et, en sus, la Normandie, soit en pleine ruralité.

Comme toujours, il suffit de traverser le dit village pour savoir pourquoi.

Non pas qu’il soit miséreux. Passés de 60 à 8 en quelques décennies, les agriculteurs ont des exploitations remembrées d’une certaine taille/taille certaine. A une heure de Paris en train, le bourg à même réussi à voire sa population augmenter de navetteurs ces dernières années. Mais pour autant on vit chichement (loyer, essence…), acrobatiquement (suivant les variations du cours du blé) et avec beaucoup moins de gaieté.

Les commerces ont foutu le camp, le Crédit agricole et son distributeur a plié bagage, les services publics n’assurent plus que de rares permanences. Rien que du classique. Pour les petits pois en boîte, c’est 20 kms aller/retour quoi.

Et de fait.

Bien qu’il soit une heure avancée de la matinée, mais pas encore midi, soit l’heure de déjeuner, les rues sont effectivement absolument désertes. De part et d’autre, des enfilades de maisons fermées ou « à vendre ».

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Plus un chien qui n’aboie à votre passage. Pas de poules en vue, certainement pas de coq (leurs cris gênent maintenant), quant aux vaches, cela fait longtemps qu’elles ont disparu.

Seuls restent quelques chats qui, recroquevillés sur des murets, vous regardent passer.

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On prend le virage du « Café français », qui avec la boulangerie, ouverte à mi-temps maintenant- et la pharmacie, résiste comme dernier commerce du village. Aucun rassemblement devant ses portes, pas un client. Même l’Eglise se tait. Elle ne doit pas être « de service » cette semaine.

Dans ce contexte, pas étonnant que les édiles du FN fassent fureur. En caressant dans le sens du poil avec leurs tracts dont voici quelques extraits :

« Hausse de la pauvreté, du chômage, du coût de la vie, de l’insécurité : nos territoires ruraux, qui représentent quatre cinquièmes de notre pays, souffrent en silence, oubliés par nos élites !

Moins de gendarmerie, c’est plus de violence et de délinquance !

Le massacre de l’emploi et des services publics de proximité transforme nos villages en dortoirs, en villégiatures pour riches citadins ou en déserts !*

En répartissant le poids de l’immigration dans les territoires ruraux déjà lourdement touchés par le chômage, le gouvernement préfère disséminer les problèmes plutôt que des les résoudre ! »

Crédioux !

En voilà un discours à vous mobiliser !

D’ailleurs, si vous regardez bien la photo ci-dessous, derrière un fourré, vous trouverez bien un immigré clandestin ou un petit criminel faisant du vol à la tire de…..panier de champignons.

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Peu importe. Cela fonctionne. Comme l’histoire des arroseurs arrosés malheureusement.

* « Rendez-nous nos coqs », ndlr

On peut rire de tout mais pas avec tout le monde (fin).

Trois mois après les attentats contre Charlie Hebdo qui ont fait douze morts à Paris sans compter les victimes de Montrouge et de la Porte de Vincennes, outre-Rhin aussi on continue à se déchirer en public sur le « principe de conviction » et le « principe de responsabilité ». En clair, peut-on tout dire (dans le respect des droits de la liberté de la presse naturellement), tout dessiner et tout publier en vertu de ce que sa conscience / raison estime juste. Ou doit-on sans cesse se demander si tel dessin, jeu de mots et je ne sais quoi encore, en « risquant » d’offenser certaines catégories de la population, ne va pas autoriser des poseurs de bombes potentiels à passer aux actes, en tous les cas allumer un feu social qu’il sera difficile d’éteindre par la suite ?

Mi février dernier, les carnavals de Cologne et de Düsseldorf avaient ainsi répondu de manière opposée à la question. Timorée ici – la capitale rhénane du carnaval annulant son char « Charlie » au dernier moment – engagée là – sa concurrente du nord, n’hésitant pas à le faire défiler.

Les carnavals de Cologne et Düsseldorf

Ce week-end, la « petite » ville de Hanau, non loin de Francfort sur le Main, a aussi répondu « oui » en ouvrant une exposition consacrée aux dessinateurs Achim Greser et Heribert Lenz. Intitulée « C’est une blague, non ? » elle présente 220 de leurs œuvres, dont pas plus de quinze traitent de la religion mais dont une, dessinée juste après les attentats parisiens a déjà fait couler beaucoup d’encre en Allemagne (et assuré la communication de l’expo J). On y voit Jésus et Mahomet tous deux plongés dans la lecture de feuilles satiriques, Jésus disant à son comparse : « M. je n’arrive pas à y croire. A cause de tes idiots, on doit maintenant renoncer à ces formidables plaisanteries sur nous ».

A. Greser et H. Lenz

Courage? Blasphème, provocation, irresponsabilité? Ou beaucoup de bruit pour pas grand chose en définitive ?

Il est encore trop tôt aujourd’hui pour évaluer où demain les acteurs de la culture, les journaux et publicistes en tous genres traceront leur propre ligne d’auto-censure, mais comme le résumait au mieux dans Le Monde du 16 février dernier Patrick Chappatte, dessinateur suisse travaillant de Los Angeles pour des journaux américains et européens, il est clair « qu’une innocence a été perdue pour toujours ». Et que dans notre monde globalisé où tout peut être vu et lu partout en tout instant, l’adage de feu Pierre Desproges prend tout son sens. Oui, « On peut rire de tout mais pas avec tout le monde ».

Question de culture.

Ou de manière de dire ? Si, comme moi et jusqu’il y a peu, vous ne connaissiez pas Patrick Chapatte, ici, le lien sur sa page facebook et quelques uns de ses dessins à l’humour subtil qui dénoncent sans provoquer ?

La page facebook de P. Chapatte

PS : pour ceux qui n’auraient pas compris, il va sans dire que nous ne confondons pas les gens de EI avec les musulmans.

Instantané dans le train (1).

Prendre le train régulièrement sur une ligne TGV essentiellement réservée aux cadres et hommes d’affaires est souvent très instructif. En Allemagne, comme en France certainement.

Si vous ne disposez pas de « protections auditives » (Ohropax en Allemand, nom de la marque, ou « boules Quiès en français, oui, mais s’il vous plait pas en cire), il y a de fortes chances à parier pour que vous puissiez assister contre votre volonté à quelques scènes croustillantes comme :

  • tout savoir sur le chiffre d’affaire d’une entreprise lambda, les contrats acquis, ceux perdus et leurs montants. Le bénéfice en fin d’année, le rendement, le cash flow, le montant des investissements et l’avenir en perspective (difficile il va de soit. Il va falloir se battre, bref retrousser ses manches de chemises… Allons enfants, debout hommes de la patrie…).
  • Mieux : tout savoir sur ce que vient de dire tel cadre en costume sombre, cravate et chaussures cirées noires à sa secrétaire, une femme naturellement, fée du clavier et de la machine à café. Merci Germaine.
  • Mieux du mieux : tout savoir sur la névrose d’un collègue, et son nom (on peut l’appeler ?), qui ne répond jamais à ces mails (on peut avoir son adresse ?) vient d’essayer de vous piquer votre projet, cajole la direction de sa fourbe attitude, et est naturellement détesté de par tous ses collègues, qui jalousent son arrogance, sa totale duplicité mais le degré zéro de ses compétences pratiques.

Rassurant : parfois les dits cadres jouent au foot sur leur tablette dernier cri. I Pad de préférence.

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Plus effrayante, la scène suivante.

Nous sommes un vendredi soir. La ligne Francfort-Cologne est comme il se doit un tel jour et à une telle heure archi bondée.

On se rend dans le wagon restaurant espérant y trouver une place « non réservée » par définition. Archi bondé.

Reste le bar.

A une table bistrot, un homme, seul. Chouette de la place ! On va pouvoir boire un café et tenter de corriger quelques copies. Sur le pouce. Debout.

On s’approche. Commande le café. Tente de se faire une petite place. Difficile.

L’homme, reste campé sur « sa table », les coudes bien plantés de chaque côté, le tout « protégeant une bière », qu’il semble contempler, en pleine méditation

 Le café arrive. Pas de réaction de la part de notre co-voyageur.

On essaie toujours de corriger des copies et de boire son café, mais l’espace est réduit….

On persiste. Il va quand même bien finir par remarquer notre présence, rabattre ses coudes, les resserrer autour de sa bière…

Que nenni. Il est là, il y reste. C’est « sa » table, « son » territoire, depuis tout petit, on lui a appris à défendre ses intérêts, son « moi », ses droits (le premier arrivé, c’est celui qui gagne…).

On continue dans la provocation gentille, mais ferme.

Pas de réaction.

Au bout de ¾ d’heures, l’homme se penche sur sa mallette de travail et en sort un livre.

C’est un condensé de la bible. Avec des marque pages.

Il lit quelques versets, l’air inspiré, les coudes toujours à l’équerre, protégeant sa bière.

D’accord.

Celui-là, il est inguérissable.

On commence le plan retraite. Son « prochain » doit être caché à la page 300 678

Quelques minutes plus tard, son téléphone portable sonne.

Ce sont les cloches d’une église le jour de Pâques. Le christ est ressuscité, Alléluia.

Je range mes copies dans mon cartable et détourne ostensiblement la tête.

C’est comment sur le trajet Paris -Tours, Paris-Grenoble ?

Laissez les feuilles mortes tomber!

Hier soir, à la nuit tombante au bord du Rhin à Cologne, tout était devenu un instant miraculeusement calme. Le bleu marine profond du ciel clair envahissait peu à peu tout l’espace. De ça et là et au loin, de vieux bateaux amarrés et des bâtiments illuminés, se détachaient comme des phares, élargissant notre horizon de leurs couleurs rouge, verte et néon. Les arbres étaient parfaitement nus, leurs branches vierges se détachant de part et d’autre du fleuve dans ce qui restait de crépuscule.

Le silence régnait, comme un avant goût de celui cotonneux de l’hiver à venir.

Le silence. Enfin. Mais à quel prix toutes ces semaines passées !

Ici, outre-Rhin, il semblerait en effet que les feuilles en automne n’aient plus le droit de tomber tranquillement et de joncher le sol en un tapis doré. Et pourtant. Dans ce pays au climat continental sans vrai été, l’automne indien, qui lui ne manquait jamais d’arriver, était encore une des plus belles saisons de l’année. Le ciel bleu, les feuilles brunes, or, orangées ou jaune canari produisaient un tableau d’une luminosité et beauté telle qu’on le mangeait véritablement des yeux.

Cette année, c’était cependant sans compter sur le lobby des « souffleuses de feuilles mortes » qui ne leur a pas laissé une seule chance. Pas une.

Ces moyens ou petits engins, à l’essence ou électricité, destinés à l’origine à faciliter la tâche des municipalités dans l’obligation de libérer les voies publiques, ont en effet poussé comme des champignons.

Vendus pour moins de 30 euros dans les Obi, Baumarkt et autres chaînes de magasins de bricolage ou de jardinerie, pas un propriétaire de jardin, de 10 à 20m2 ne semble y avoir résisté.

Il paraît que cela fait plus viril que de manier le râteau.

Résultat, depuis trois semaines, notre fin d’automne a été littéralement sabotée par leur bruit infernal d’au moins 120 décibels.

Leur vrombissement à s’arracher les oreilles revenant de manière récurrente ponctuer toute votre journée. Quand vous buvez votre café, quand vous sortez de chez vous, où y revenez, sous la douche, concentré à votre bureau…

Bref, un petit enfer.

Mais c’est tellement moins lourd à manier, respectueux de la nature, puisque les insectes ne savent plus où se loger, et que les poussières ainsi soulevées, grâce à une puissance de soufflerie atteignant les 200 à 300 km/h, se mélangent alors aisément dans vos poumons avec les microparticules dégagées par leur moteur à essence. Top quoi.

A Aix-la-Chapelle, près de la frontière belge, un quartier s’est même enflammé à cause de ces « Laubbläser », obligeant la police à venir à huit voitures pour empêcher les habitants de s’entretuer.

D’après le Courrier international, il semblerait que dans les pays d’Europe du Nord, les citoyens commencent à pétitionner.

http://www.courrierinternational.com/article/2014/11/15/plaidoyer-contre-les-souffleurs-de-feuilles-mortes

Et en France ? Pour l’heure, pas de vague sur le net.

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli…

« C’est une révolte ? » « Non Sire, c’est une révolution. »

C’était en 1789. Le 15 juillet. A neuf heures du matin à Versailles. Ce que répondit le duc de la Rochefoucauld à Louis XVI quand celui-ci s’informa, après avoir chassé le jour précédent sans succès, des troubles concomitants de la veille à Paris. A savoir la prise de la Bastille.

Quelques 200 ans plus tard, en novembre à Berlin, l’histoire semblait se répéter.

Cela faisait des mois que les membres du gouvernement de la RDA et de l’appareil du SED, le parti communiste unique, assistaient, complètement hébétés et dépassés, les bras ballants et sans voix, aux évènements qui étaient en train de les emporter.

Depuis le début de l’année et l’ouverture des frontières de la Hongrie et de l’ex- Tchécoslovaquie, 50 000 « Ossis », avaient déjà fui vers l’Ouest, souvent dans des conditions dramatiques (par le biais de l’ambassade de Prague quasi assiégée et de « trains spéciaux » en rappelant d’autres). Pour octobre seulement, on comptait près de 200 000 demandes de visa pour l’étranger.

Et le peuple mécontent, continuait à taper des pieds sur le pavé. 90 000 manifestants calmes et déterminés à Leipzig le 9 octobre. Près d’un million le 4 novembre sur l’Alexanderplatz de Berlin Est.

Rien ne semblait les arrêter.

Gorbatchev avait laissé tomber le vieux stalinien d’Honecker, président de la RDA de 1976 à octobre 1989. Un de ses cadets, Egon Krenz, inventeur de la tournure « die Wende » (le tournant = comprenez alors, le parti parle, discute et négocie avec « son » peuple pour redessiner les contours d’un futur paradis communiste), peinait à la tâche, n’ayant toujours pas compris qu’il ne devait plus appeler ses concitoyens « camarades ».

Kohl, et Schäuble, son Ministre des finances déjà, les faisaient mariner dans leur jus, d’après le principe : « pas de réformes, pas d’argent ».

Ce soir là du 9 novembre 1989, c’est à Günter Schabowski, patron du SED de Berlin et depuis peu nommé porte parole du nouveau bureau politique national , qu’il échut de faire la gaffe de la gaffe.

Soit, lors d’une conférence de presse destinée à annoncer les nouvelles règles à venir pour les voyages à l’étranger, de dire que celles-ci étaient applicables « immédiatement ».

Il était 18 : 53.

A 23 : 30, face à la pression de la foule, les gardes frontières de la Bornholmer Strasse à Berlin levaient leur barrière.

A 23 :40 les autres postes frontières suivaient.

Un peu moins d’un an après (3 octobre) l’Allemagne était réunifiée. Pour le meilleur et pour le pire.

Entre temps, et si l’on en croit le magazine « der Spiegel », près de 50 apparatchiks du SED s’étaient suicidés, ne pouvant supporter la situation, leur défaite spirituelle/politique ou par crainte des représailles des « vainqueurs ».

Un demi siècle d’histoire européenne avait refermé (ou levé) son rideau.

Aujourd’hui, si tout le monde n’est pas enchanté de la réunification, chacun sait que la vraie fête nationale allemande devrait être le 9 novembre.

Impossible cependant, car le 9 novembre c’est aussi le jour de l’abdication de l’empereur Guillaume II avant l’armistice de la Première Guerre Mondiale qui devait enfanter le « Führer ». Le 9 novembre, c’est dans la foulée la « nuit de cristal » des nazis de Hitler en 1938, qui, en attaquant directement et officiellement dans la rue la population juive de l’Allemagne, donna – sans le dire – le coup d’envoi de la solution finale…

Pour autant, les manifestations du souvenir seront naturellement à la hauteur même si la DB fait grève. (Oui, vous avez bien lu, les chemins de fer allemands font grève)

Et comme nous avons notre centenaire de la Grande Guerre ainsi que tout son folklore commémoratif, Berlin retrouvera « son mur » (dont il ne reste aujourd’hui que quelques pans) sous la forme de ballons qui s’envoleront alors, peut être, vers le ciel.

Cela peut-être aussi « riant » un… cimetière français.

Pendant longtemps, à chaque fois que l’on parlait « cimetière » seuls des souvenirs gris, liés à l’enfance, du temps d’avant l’Allemagne, remontaient à notre mémoire.

Gris tel généralement le ciel plombé de ce jour de novembre, où pour la Toussaint et comme presque tout un chacun, en famille on allait honorer nos morts. Des morts qui, pour les avoir à peine connus, nous paraissaient alors tous très vieux et issus de temps antédiluviens parfaitement irréels.

Gris comme nos mornes cimetières de France. Rejetés en dehors des centres villes, barricadés derrière de hauts murs, faits d’allées de graviers tracées au cordeau, avec de part et d’autre des pierres tombales en granit bleu, noir, gris ou vieux-rose, certaines décorées de plaques de même nature ou de pensées éternelles en céramique violette, sans aucune verdure… ils exhalaient une profonde désolation, que le recueillement et le silence imposés démultipliaient par vingt. Comme si la mort et le rapport à la mort étaient à ce prix.

Évidemment non. Outre-Rhin, comme dans de nombreux pays nordiques ou anglo-saxons, il en va tout autrement. Car non seulement l’Allemagne ne connaît que des cimetières paysagers et des tombes du même nom (un lit d’arbustes, de plantes vivaces surmonté d’une stèle) mais ces « lieux du dernier repos » sont surtout des lieux de vie où souvent on va se promener le dimanche, comme si l’on se promenait dans n‘importe quel parc. Un lieu où les conversations vont bon train, les enfants apprennent à marcher ou à faire du vélo…

Mais parfois, pour un Français, cela va un peu trop loin, car si l’on aime l’idée de la mort se réinscrivant dans le grand cycle de la nature donc de la vie, le coup du vélo, lui, coince.

De même que les conversations « comme si de rien n’était ».

Et c’est là qu’on remercie les Chrysanthèmes.

Fleurs des cimetières par excellence en France (c’est le Président Raymond Poincaré qui, exigeant en 1919, lors du premier anniversaire de l’Armistice de la Grande Guerre, que tous les cimetières soient généreusement fleuris, en fit alors la « fleur des veuves »), vendues à près de 24 millions de pots chaque année, notamment pour la Toussaint, elles viennent alors fort à propos égayer nos nécropoles de leurs pompons jaunes, bruns, orange ou blancs.

Dans la Meuse.

Et si par hasard, le soleil s’en mêle, toutes ces couleurs vives et mordorées sur fond de granit gris, transforment nos cimetières désespérés, l’espace d’un jour et d’un instant, en une superbe louange aux défunts, silencieuse mais lumineuse et riante.