Mes ami.e.s, l’école primaire

J’écris sous la forme inclusive, car de fait, j’avais deux groupes d’ami.e.s.

D’abord des garçons qui tous deux s’appelaient Alexandre et chez qui j’étais régulièrement invitée pour passer des jeudis après-midi à jouer au « garage », aux « avions » ou je ne sais quel autre jeu masculin. Moi, cela ne me gênait pas car j’étais assez « facile » à vivre, pas peste ou capricieuse pour un sou, assez garçon manqué en somme, et j’aimais bien être en leur compagnie, dans leurs beaux et grands appartements avec leurs mamans gentilles qui nous préparaient de bons goûters.

Le deuxième groupe consistait en une famille avec 4 enfants dont 3 filles, les deux ainées bien qu’ayant un ou deux ans d’écart, étant dans la même classe que la mienne.

Nathalie et Isabelle, pour ne pas dire leurs vrais prénoms, étaient vraiment mes grandes amies. Elles avaient aussi une petite sœur Marguerite, et un petit frère dont malheureusement j’ai oublié le nom.

Chez elles, j’ai passé des heures et des heures, en semaine après l’école, certains autres jeudis et moultes samedis. J’y étais, pour ne pas dire tout le temps, cependant très souvent.

Je ne cessais de m’étonner sur leur mode de vie, tellement radicalement différents de ce qui se passait chez nous.

Leurs parents étaient médecins et actifs tous deux, très libéraux et « cools » comme on dirait aujourd’hui. Dans la journée, c’est une gouvernante qui s’en occupait naturellement. Leur appartement était aussi de type Hausmann, et beaucoup plus grand que le nôtre pour loger cette famille nombreuse. Comme toujours un long couloir desservait les chambres des enfants et nous servait très souvent d’aire de jeu préférée. Elles avaient aussi des animaux – lapins, tortue, hamster – dont il fallait bien sûr s’occuper, si ce n’est ennuyer.

On jouait à tout ce que peuvent jouer des filles pour le coup, tout en étant très émancipées par ailleurs.

En classe, nous n’étions pas en concurrence, en revanche, il est clair que faisions parties du trio de tête, y compris Isabelle, la cadette, qui malgré son jeune âge, souvent nous dépassait, le savait et que parfois, je trouvais un peu arrogante de ce fait.

Moi, de toutes façons, j’étais cyclothymique si l’on peut dire. Tout dépendait du professeur de l’année en cours. Je ne me souviens absolument pas des deux premières, mais très bien des trois derniers.

En CE2, j’ai eu un instituteur très troisième République, qui, vêtu d’une blouse grise commençait toujours ses cours par une leçon de morale à l’ancienne. Il était très exigeant, nous lançait des défis, notamment en mathématiques, ce qui moi, me ravissait. Et les récompenses, quand nous le satisfaisions, étaient vraiment passionnantes (dias animés, cours d’histoire). Nous l’adorions en fait. J’étais très bonne élève dans sa classe.

Mais il était aussi un peu sadique aussi, il faut le dire. Quand il corrigeait, penché par-dessus nos épaules, nos devoirs dans nos cahiers, à chaque faute repérée, il nous enfonçait la pointe de son stylo bic dans la tête. Pas très fort bien sûr, mais quand même ! Un jour, alors que je bavardais trop à son gré (j’étais bavarde donc), il a voulu me donner un coup de bâton sur les fesses mais du haut de son bureau, m’a « ratée». J’en ai eu une ecchymose longue et bien bleue que je n’ai pas réussi à cacher à ma mère qui a été se plaindre au Directeur. Occasion pour elle certainement aussi de se disculper de ses propres exactions, car elle ne dit naturellement jamais ce qu’elle nous faisait subir à la maison. Comme je n’étais pas aussi soignée et appliquée que ma sœur, un jour elle a abandonné le contrôle des devoirs. Tant mieux !

Je préférais faire toute seule que sous ses gifles !

Le CM1 fut une catastrophe. L’institutrice m’avait prise en grippe compte tenu du nombre de fautes d’orthographe incroyables que je faisais (et fais toujours). La pédagogie « noire » qu’elle aimait pratiquer a alors provoqué le résultat attendu. J’ai flanché, en ai fait encore plus, mais me suis rattrapée l’année suivante où, bénéficiant cette fois-ci d’un extraordinaire pédagogue, j’ai terminé 1ère de la Classe, ce qui m’a valu l’ouverture d’un compte épargne crédité de 100 FF par la municipalité !

Je pense que ma mère ne comprenait pas. Le « démon » de la famille réussissait mieux que la sœur aînée pourtant tellement sage et appliquée.

Avec mes amies filles, Je n’ai jamais eu l’occasion de partir en vacances, mais j’ai été plus qu’accueillie chez elles, et c’était un espace de liberté incroyable qui me rendait heureuse. Quand ma famille a déménagé dans Paris intra-muros, 6 ans plus tard, rapidement, nous nous sommes perdues de vue, et cela fut une grande de perte. La fin d’une certaine enfance libre, joyeuse et insouciante.

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Ma grand-mère

C’était une belle femme. Même dans ses portraits de femme adulte, non aprêtée, elle a un beau profil.

Celle d’un femme grecque. Malgré le labeur et toutes les humiliations éprouvées, elle garde son beau profil « grec », une vague mèche de cheveux, sortie de son chignon tous les jours refait, balayant insidument son visage impassible et serein.

Ell est vraiment « belle ».

A 17 ans, elle est belle, à 50 ans elle est belle !

A 15 ou 16 ans, elle a été violée. Naturellement, on ne connaitra jamais les circonstances ! A Carnaval ? Par le facteur ?Par un type de passage pour la foire ?

Toujours est-il qu’à 16 ans (la deuxième année de ses règles), elle se retrouve « enceinte ». Comme sa mère, exactement en même temps, d’un second mariage d’après guerre.

Cela fait quand même un drôle d’attelage, une mère et une fille, EN MÊME TEMPS ENCEINTES, à 15 ans d’intervalles !!!

Il faut s’imaginer la situation : la mère – pauvre veuve de guerre, le mari fauché dès octobre 1914, sans le sous sans rien – se remarie (naturellement, quoi d’autre. Une femme sans mari à l’époque, était tout simplement perdue), avec un Mr, dont le frère, plus tard posant son regard sur la fille, la benjamine, qui avait été enceinte du « facteur », la demandera en mariage !

Vous voulez quoi faire, vous, en de telles circonstances!

Naturellement, elle accepte. Et mon Grand-père, un « vert galant », ne sera quand même pas tout à fait salaud car il reconnaitra ce fils illégitime comme le « sien » (merci!).

Après, il lui en fera 12 autres, sans compter ceux que l’on ne connait pas, sauf une, puisque comme je l’ai appris l’année dernière seulement, c’était un coureur de jupons qui avait au moins une amante « officielle », dont il eut aussi une fille, ce que, dans le village, tout le monde savait.

Ma GM est morte trés jeune (63 ans). Complètement usée, épuisée, par le labeur et la peine aussi certainement.

Elle avait très vite appris, que les hommes, vont « à droite » et « à gauche » restant maîtres de leur destin. Elle, avait choisi la soumission, n’ayant pas d’autre choix.

En revanche, il semble qu’elle ait été une mère aimante ! La parfaite « victime » en sorte! Aujourd’hui encore, tout le monde ne pense à elle qu’en ayant immédiatement les yeux embués. Elle supportait (malgré 13 grossesses), les incartades de son mari. Elle n’a jamais battu méchamment ses enfants, mais au contraire semble avoir été assez libérale, compréhensive. Jamais, elle ne s’est plainte, alors que tous ses enfants, la regardait « pleurer » (elle ne pleurait pas naturellement, juste se taisait), le dimanche après-midi, quand il allait chez « l’autre ».

Bien que cette famille d’agriculteurs ne soit pas riche, et encore moins quand on sait que naturellement, elle s’agrandit pour l’essentiel en pleine seconde guerre mondiale et juste après, JAMAIS, aucun de ses 13 enfants n’a manqué d’une chemise, pantalon, veste, chaussettes…

Et puis, on était à la campagne. Donc, naturellement, même pendant la guerre, personne n’a eu à manquer de je ne sais quelle brioche, tarte, quatre quart ou autre dessert. Les oeufs, les poules les pondaient, le beurre, les vaches le faisaient, et pour la farine, on s’arrangeait avec le boulanger.

Toujours, quand j’interroge sur mes origines, il y a au centre cette femme… qui visiblement soudait la famille et que tout le monde aimait puisqu’ils commencent tous aussi immédiatement à pleurer !

« On était pris comme on était. Etait immédiatement absorbé comme un des leurs, sans qu’aucune question ne soit posée ».

Et sur les photos d’époque, à plusieurs années d’intervalle, qu’elles aient été prises au temps de la moisson ou des vendanges, de fait on ne peut que constater, que tout le monde (et cela en fait une tripotée) sourit ou rit.

Hommage te soit rendu Renée.

Les « grands coutures »

Je suis née à la fin des années 60 dans la ville la plus riche de France. Mais ne vous y méprenez pas. Je ne suis pas née avec une cuillère en or dans la bouche. Loin de là. Mes parents étaient de modestes commerçants, qui venaient d’essuyer une faillite avec tout ce que cela comporte de stress pour se relever. Jusqu’à mes six ans, nous avons donc vécu dans un petit deux pièces à quatre.

Ici, je voudrais écrire le livre de ma vie. Cela peut paraître prétentieux, d’autant que je ne suis « rien », en tous les cas pas grand-chose et que je n’ai nul fait de gloire à raconter. Nulle implication dans une destinée politique ou historique majeure à expliquer. Nulle conduite morale irréprochable à présenter, nulle pensée philosophique profonde à exposer. Non. Rien.

Ou plutôt si. J’ai cru en beaucoup de choses, en beaucoup de gens, aimé vivre, rire, rencontrer, aller à l’opéra, voyager ou randonner, participer à des projets, aimé mon ex-époux plus que tout au monde, aimé mes enfants comme la prunelle de mes yeux, et, un jour j’ai chuté.

Magistralement.

Pendant huit ans.

Aussi, si j’écris ce livre, c’est je pense pour deux raisons.

  • Retourner aux sources de celle qui pendant 50 ans fut, croyait, entreprenait pour le bien des autres essentiellement et selon quelques convictions bien ancrées. Retourner aux sources des gens qui ont compté pour moi dans ma vie. Les fixer pour l’éternité.
  • Pour aider peut-être d’autres, qui comme moi, auront vécu des cassures. Des blessures si profondes qu’à l’heure à laquelle j’écris, je ne sais pas encore si jamais je m’en remettrais.

Tout s’est tellement déroulé si peu comme je l’espérais, le voulais, de toute ma foi, de tout mon cœur, de toutes mes forces, de tout mon amour, qu’aujourd’hui je ne suis plus que l’ombre de moi-même.

Naturellement, j’ai ma part de responsabilité, évidemment. Mais je jure ici aussi que quand les choses se sont produites, pour l’essentiel à l’étranger, je n’avais pas les instruments me permettant de comprendre ce qui se passait. Je ne savais pas tout simplement. Je vivais avec mes projections, mes convictions, et était dans l’incapacité totale d’analyser les jeux de pouvoir, mensonges, petites et grandes misères, refoulés de chacun qui s’exprimaient. Naïve, crédule, oie blanche : vous pourrez dire ce que vous voulez, rire peut-être, mais je ne comprenais vraiment pas ce qui se jouait.

Quand on m’a ouvert les yeux, je me suis mise à dériver. Plus mes yeux se descillaient, moins, dans le contexte qui était le mien et les énormes contraintes qui pesaient sur mes épaules, je n’ai été capable de gérer les situations.

Et cela a été la grande dégringolade.

Mais la grande, n’est-ce pas. Je suis devenue agressive, moi qui durant mes 30 premières années en France ne me suis jamais disputée avec personne. Personne. Cela ne m’en serait même pas venue à l’idée.

J’ai tout perdu ou presque de ce que j’avais mis des années à bâtir à force de « valeurs » qui n’étaient que les miennes, à force de courage, d’endurance, de générosité, sens des responsabilités et du devoir, dans l’espérance que le « grand amour de ma vie » était bien toujours le grand amour de ma vie.

Bien sûr, je parlerai de moi, mais surtout de ces autres êtres lumineux qui ont accompagné ma vie, fait ce que j’étais de bien… AVANT.

La petite enfance (0 – 6 ans)

On ne va pas s’étaler.

Avec ma sœur aînée, âgée de trois ans de plus que moi, nous étions des enfants battues. Par ma mère tout le temps, quasi tous les jours à moultes renforts de coups de martinet, de gifles, de fessées, de dénigrements, rabaissements, reproches, critiques personnelles, plaintes du fait qu’on lui rendait la vie impossible etc…

Pendant 50 ans, je n’ai jamais rien dit de tout cela. Que voulez-vous dire ?

C’est quand même la honte absolue pour qui a un peu de recul, pense un minimum. Votre mère vous martyrise, vous prend pour son défouloir, son exutoire !! Vous voulez dire QUOI ???

Rien !

D’autant que cela ne suit strictement aucune rationalité.

Cela peut vous tomber dessus, comme ça, du jour au lendemain.

Vous n’avez strictement rien fait. Au contraire, vous vous empêchez de « respirer » au cas, où cela déclencherait des avalanches de représailles !!!

Et c’est exactement ce qui se passe.

Depuis des jours, vous ne respirez plus, ne dites plus rien etc… Vous avez fini de tricoter votre pull, cela vous a pris trois mois au bas mot. Et là, quand vous pensez que tout est OK, et que vous vous êtes « tenue », n’avez plus respiré, allez pouvoir partir comme prévu chez votre copine XXX, qui vous a invitée : bein là, ça tombe comme un couperet !

Il y avait des traces de savon dans la cabine de douche ! (On les cherche, mais ne les trouve pas !. On a enlevé ses poils, nettoyé ses placards ! Tout brille, elle n’est toujours pas contente !). Sanction !

De toutes façons, il ne s’agit pas de savoir, si son four est récuré, mais de savoir comment nous humilier !

Punies !

Fini, les vacances, payées en plus par les parents des amies. 30 minutes avant.

Elle nous appelait, moi en particulier, des « têtes à claques » (dont acte), des « bonnes à rien », « écervelées », des « enculées de la culture », des « bourriques » qui lui rendaient la vie impossible. Toujours, quand il y avait des invités (ou que jusqu’en 1978 on était « invités » chez leurs « amis », qui tous après disparurent) elle se plaignait de nous. Combien nous étions un fardeau, difficiles ( ?), un poids dans sa vie pour nous « guider » sur le bon chemin, malgré toutes les charges qu’elle avait par ailleurs.

Lesquelles ?

Quand je repense à sa vie d’alors (avec moultes domestiques) et la mienne depuis que je suis adulte (sans domestique et sans domicile fixe), je ne peux que me demander dans quel délire elle se trouvait ! Quel « ego » de dingue elle avait.

Moi, je n’ai strictement JAMAIS RIEN EU DE CE QU ELLE AVAIT pour enfanter mes enfants, m’en occuper quand ils étaient petits, les accompagner durant toute leur petite enfance, enfance, adolescence, âge adulte.

Je n’ai par exemple, jamais bénéficié du « système français » ; Pas de « Halte-Garderie », même pas d’école « maternelle », pas de système fiscal sympa, mais au contraire entièrement organisé pour que les femmes restent à la maison pour pallier le manque d’infrastructures, et délester, ce faisant, le marché du travail. Du coup, je n’ai jamais eu non plus, en plus de tout le reste, aucune femme de ménage ou cuisinière.

Non pas que je les dé-considère. Pas du tout. Au contraire. Mais en Allemagne, comme rien n’était reconnu, du coup c’était vraiment réservé à des PDG.

Mon « Mari », n’était pas PDG, mais juste « classe moyenne » ou « employée ». Donc, du coup, tous les « extras » (l’école maternelle donc), était à nos frais, sans déductions fiscales.

A ce rythme, il est clair (et c’est ce qui est voulu, cela n’a malheureusement pas changé ou à la marge), que la femme reste à la maison. Parce que, tout autre chose n’en vaut pas la peine.

Non seulement vous mettez votre enfant dans de sombres institutions, dont on ne sait pas trop comment elles ont été agréées – mais en plus vous payez deux fois pour ça. Une fois l’institution, une fois le fisc.

Donc, naturellement, aucune sorte de personne normalement constituée, « continue ». Dont acte, on arrête.

Battue, nous l’étions aussi par mon père, de manière épisodique, mais avec une violence telle, qu’aujourd’hui encore, il suffise que je pense à lui (merci mon ex-mari, qui a tout fait remonté, et comment!) pour que tout de suite me revienne en mémoire la rage qu’il mettait à me tabasser dans mon petit lit cage, moi, trois ans, serrant mon dodo et hurlant, des heures étant nécessaires pour effacer la brûlure qui parcourait mes jambes, mes fesses et les rougeurs qui allaient avec.

Dans mes cauchemars les plus terribles ces dernières années, j’ai réentendu en arrière-fond, ma mère disant « arrête, tu vas l’estropier » ! C’est vraiment charmant !

Pour autant, elle jouait aussi avec ça : « si tu n’es pas « sage » – c’est-à-dire, n’existe pas, ne te manifeste pas, déjà dire j’ai envie de faire « pipi » c’est trop, du coup on fait dans sa culotte, ce qui a pour conséquence qu’on est battu pour avoir fait dans sa culotte – Papa va te battre ».

Elle le disait comme ça ! Avec ces mots mêmes. Pour nous terroriser. On l’était et parfois il le faisait vraiment. 

Il s’est arrêté net quand je devais avoir 4 ou 5 ans. Il n’a plus jamais recommencé.

Aujourd’hui, avec du recul, je pense qu’il était alcoolique sans le savoir car à l’époque, les « hommes » buvaient. Le soir. Mais dans son cas aussi le matin (son métier le faisait commencer à 4 h), lors de l’encas pris avec ses employés, et le midi peut-être certainement.

Durant notre adolescence, il ne buvait plus que le soir (enfin, de manière visible, le matin à 6 heures, je ne le sais pas). Une bonne demi-bouteille de Côtes du Rhône. Le samedi, il s’octroyait aussi un ou deux Whiskies, avant le dîner. Arrosé donc de Côtes du Rhône.

Quand j’y pense aujourd’hui, je me dis que c’était fou, mais à l’époque, c’était parfaitement accepté, socialement correct comme on dit. Pire, je nous revoie avec ma mère toutes les semaines, allant avec le « caddie » faire les courses de ravitaillement de « Côtes du Rhône » donc. On ramenait au moins six bouteilles pour la semaine. En tous les cas, les réserves ne devaient jamais manquer. Et ne manquaient jamais.

C’est peut-être une explication plausible à ses accès de rage et sa violence incroyable sur une enfant de 3 ans. Peut-être. Naturellement, l’alcool, qui bien sûr est une addiction la plus simple et la plus terrible, cache cependant à la base, un mal être immense. Une incapacité totale, non apprise, à gérer les situations. Mais enfin !

Depuis, j’ai peur des hommes. Encore plus aujourd’hui qu’hier. Des hommes allemands.

Ma mère. Elle, a toujours continué à nous battre. Tout le temps.

Elle n’a jamais fumé de sa vie. Ou une cigarette par an.

Elle n’a jamais bu de sa vie, où quelques verres à des occasions festives.

Elle voulait rester « maître d’elle-même ».

C’est-à-dire que sa violence, ses battues, n’ont aucune espèce d’« excuses », sous le fait de « drogues » puisqu’ elle le faisait en parfaite clairvoyance et possession de tous ses moyens.

Donc, elle était violente par « nature », de manière très consciente, pensée et planifiée (selon elle).

Non, bien sûr.

Il est clair, que pour faire preuve d’un tel degré de méchanceté et de destruction, il faut avoir dans son enfance, vécu des drames, qu’elle n’a jamais dits et ne dira jamais.

Mais pas forcément non plus. La plupart des enfants malmenés dans leur enfance, veulent justement ne pas reproduire ce qu’ils ont vécu, mais au contraire, donner à leurs enfants le cadre et l’amour qu’ils n’ont pas eu.

Non. Ce n’est pas que « son » enfance. D’autant qu’à force d’avoir « interviewé » un certain nombre de mes oncles et tantes, il ressort plutôt de tout ça, qu’au sein de cette famille très nombreuse, certes, en tant qu’aînée des filles, elle a dû beaucoup aider sa mère et été « placée » dès ses 14 ans, comme bonne à tout faire dans une famille bourgeoise de Reims, mais qu’à part ça, elle a eu aussi beaucoup de passe-droits, en tant que fille aînée et que les autres n’ont jamais eu justement.

Et que je te passe les cours individuels d’anglais en pleine guerre dans un village perdu au fin fond de l’Yonne.

Et que je te passe, plus tard, quand elle sera « montée » à Paris comme apprentie charcutière, les vernis à ongle payé en piochant dans le porte-monnaie de sa mère quand elle rentrait le Week-end, se la pétant sur les marches menant à la cuisine, dans sa tenue à la Marilyne, en train de faire ses « ongles », quand tout le monde autour, était affublé de nippes et occupé à traire les vaches.

Récemment, une de mes tantes m’a dit que cela avait mis en rage leur frère aîné, qui, prenant une petite fiole de vernis à ongles donc, l’avait jeté à toute volée au travers de la cour, lui demandant si elle n’avait pas « honte » de voler sa mère ?

Non, certainement pas. Je crois qu’elle ne voyait absolument pas « où était le problème ».

Je comprends qu’elle ait voulu absolument se sortir de ce fatalisme paysan, rural, et qu’ayant vécu son lot de pleurs, de rabaissements, de désillusions, elle visait plus haut, mais de là à considérer tous les autres comme des « bouzeux », avec tout le côté péjoratif que cela sous-entend, il y a naturellement quelques pas à franchir, qu’elle avait déjà franchi bien avant.

Car la vérité vraie de ma mère, toujours pour l’avoir demandé à beaucoup de gens autour de moi, c’est que dès son plus jeune âge, ou adolescence, elle était d’une indifférence aux autres, d’une ingratitude et volonté de domination qui n’avaient pas leur pareil.

Peut-être que ça venait de son père, qui maltraitait sa mère (énormément). Donc, elle voulait avoir le dessus ?

Il y a quelques années, en réunion de famille, elle nous a raconté une anecdote. La voici.

Elle avait eu je ne sais quelle « bisbille » avec une camarade d’école (que nous n’avons jamais eu – fermez la parenthèse), et pour se « venger », elle avait dégonflé les pneus du vélo de sa camarade, sans crier gare. La mère de celle-ci, s’était plainte à ma grand-mère, qui, droiture née, avait demandé donc à ma mère qu’elle présente des excuses.

Réponse de celle-ci : « pourquoi m’excuser ? Je n’avais même pas CREVE ses pneus ! ». Tout le monde a éclaté de rire.

50 ans plus tard, elle ne comprenait toujours pas « où était le problème » !

Où était le problème ?

Accalmie

Il y a eu une certaine période d’accalmie entre mes six et douze ans (elle ne faisait plus que gifler, rabrouer, critiquer) car elle était « un peu plus heureuse » dans sa vie. Quoi que. Elle nous faisait bien payer la dureté de son existence et des corvées de lessive au pressing d’en bas (comme si on y était pour quelque chose ?).

Et puis elle a redoublé de violence entre mes douze et 19 ans, année où j’ai claqué la porte, suite aussi à un de ses accès de rage, de coups de pieds, de gifles, les cheveux arrachés.

De ma mère, jamais je n’ai eu un seul compliment de ma vie. Jamais.

Que et uniquement des reproches.

Elle avait failli « mourir » à ma naissance (d’une embolie), je ne sais même pas encore aujourd’hui si éventuellement elle me trouvait un beau « bébé ».

J’avais la jaunisse. On ne s’est pas vu pendant 10 jours, après, elle m’a mis au biberon et à trois mois dans les bras d’une nourrice étrangère qui n’en avait rien à foutre de moi et me laissait vomir dans mon berceau. Elle l’a renvoyée !

Trop bien ! Et après ?

Je n’en sais rien.

J’ai encore fait une toxoplasmose plus tard et du coup elle était « fixée » sur mon poids ! J’ai dû vouloir « l’embêter», car jusqu’à mes six ans, je me suis bien appliquée à ne pas manger. Une contrariété de plus. Il y a une photo de nous deux avec ma sœur où nous sommes déguisées pour Carnaval mais surtout très tristes, éteintes. Je pense que j’ai fait ma première dépression vers 5 ans.

Anorexique à six ans, dépressive à six ans, c’est « cool » quand même !

Après, c’est une Tante qui m’a sauvée.

Ce qui est surtout sûr, c’est que je l’insupportais car je ressemblais trop à mon père.

A la maison, on ne parlait pas. Les enfants étaient priés de se taire. A table encore plus. Ou en tous les cas, de ne pas trop ouvrir la bouche.

En fait, à part « tiens-toi bien », « passe-moi le sel » où « je pourrais avoir de l’eau SVP», dans cette famille on n’a jamais parlé.

C’est certainement la raison pour laquelle je suis devenue bavarde, au contraire de ma sœur, qui elle était entièrement soumise et s’appliquait à ne pas déranger… pour ne pas se faire battre naturellement.

Quand on est enfant, on ne comprend pas l’origine de cette violence. Forcément, on se dit que comme ce sont vos parents, ILS ont raison et VOUS avez tort.

Moi au contraire, peut-être pour supporter l’insupportable, je restais riante, vivante et donc bavardais. Pour combler le silence certainement, pour gérer à ma manière la violence. Peut-être aussi parce que j’étais hypersensible et pas trop « conne », ce qu’elle a toujours voulu me faire croire, mais que l’école a eu vite fait d’infirmer.

Mais comme j’étais « vivante », « bavarde », du coup je me ramassais le maximum de baffe.

On vivait dans la terreur quotidienne. Toutes petites déjà, on a commencé aussi à lui servir de femme de ménage. En tous les cas, ça bardait si le dimanche la table n’était pas mise quand ils rentraient à 14 h de l’après-midi, et pour ne pas recevoir de torgnoles, on allait jusqu’à déplacer seules, l’immense téléviseur qui sinon, trônait sur la table à manger. Dangereux en somme. Je n’avais même pas cinq ans.

Je n’ai quasiment aucun souvenir « heureux » de cette période.

Ou si : l’autorisation exceptionnelle à aider à faire le soufflet au fromage du lundi, le tirage de la galette des rois sous la table, quelques bains avec ma sœur, quelques jeudis, où, quand elle était de bonne humeur, elle nous autorisait à sortir des jeux de créativité manuelle.

Et une Baby Sitter, une certaine Laurence, que l’on adorait par-dessus tout avec ma sœur, car, elle, était gentille.

Paradoxalement, aussi mon père, qui lors de son jour de congé, venait nous chercher à l’école, et qui sinon, n’avait jamais de temps pour nous, avait complétement abandonné son rôle parental.

Bien des années plus tard, j’ai lu dans un des nombreux livres de psychologie que j’ai avalés les uns après les autres pour comprendre mon parcours de vie, que les parents maltraitants, s’arrêtent en général vers les six ans de leurs enfants, parce qu’après, ceux-ci pourraient parler à l’école[1]. Trop cool !

Encore quelques autres souvenirs épars et après j’arrête avec ma vie. De toutes façons comme déjà dit, ma mère sera toujours infâme, avec une pause de 6 ans donc, mon père, lui, n’intervenant jamais plus pour rien, lui ayant délégué toute notre éducation et ses méthodes de dressage autoritaires et malveillantes.

A cinq ans, j’ai dû être opérée de l’appendicite et me souviens aussi parfaitement que mon réveil a été délirant. Une infirmière s’est occupée de moi. On faisait des dessins ensemble, elle était merveilleusement gentille. Après, direct, on nous a envoyé en colo pendant un mois vers Chamonix. La dernière de ma vie. A cinq ans.

Parfois, on allait chez une vieille dame, que ma mère connaissait de je ne sais où, qui était impotente et restait assise dans un fauteuil toute la journée à broder. Je trouvais cela joli, et plus tard, j’ai brodé moi-même.

Je voulais apprendre à lire, à lire…

Je ne le répéterais jamais assez : c’est une Tante et un oncle qui m’ont sauvée!

Chez eux, j’ai appris, ce qu’était « L’amour » !

Pas faire « chier » les enfants !

Les laisser libre,


[1] Isabelle Levert, Les violences sournoises dans la famille, Robert Laffont, 2016

Les Allemands sont généreux. Très.

Il y a encore dix jours, toute l’opinion publique mondiale pestait contre ces « Allemands », qui, leur histoire oblige, depuis 1945 ne s’aventuraient plus militairement dans aucune cause géopolitique mondiale (on oublie cependant que, en vertu du Traité 2 + 4 de 1990, ils en étaient quasi exclus), mais bien « égoïstes » campaient sur leur pacifisme de bon aloi, érigé en principe intangible, quoi qu’il se passe autour d’eux. Vrai, mais pas vrai.

Manifestation à Cologne, le lundi de Carneval : 250.000 personnes

Souvent, ils avaient eu raison : Joschka Fischer s’agissant de la guerre du Golfe.

Souvent, on avait déploré leur manque de solidarité (tout le reste), sauf pour des missions humanitaires, pendant que les autres s’engageaient à se faire tuer.

Vrai, et d’ailleurs un article du Spiegel paru la semaine dernière a bien rappelé les conséquences de cette politique. A savoir l’incroyable « dégraissage » dont a été l’objet l’armée allemande depuis la réunification. Pour tout : hommes, matériels terrestres et aériens. Moins 310 000 soldats, moins 4700 tanks, moins 390 avions de chasse, moins 18 sous-marins etc etc…

Effrayant (ou non, dans un monde où « tout » allait bien).

Depuis une semaine, tout a changé cependant et sous la menace, le gouvernement Scholz, après s’être longtemps attermoyé (qui ne s’est pas attermoyé), a opéré un virage à 180° dont on lui est gré, décidant enfin d’envoyer à l’Ukraine des armements et prévoyant des investissements à hauteur de 100 milliards d’euros pour renforcer la défense outre-Rhin. Virage approuvé par 68% de sondés. Une vraie révolution donc.

Pour autant, et si pendant des années l’Allemagne a été un « nain géopolitique » comme s’en fait l’écho la presse internationale, il ne faudrait quand même pas oublier que c’est un pays qui a de loin TOUJOURS été le plus généreux en matière de politique d’accueil des réfugiés de toutes sortes depuis 1995. Ou d’aide aux pays en voie de développement. Et dont la population, la « société civile » comme on dit, est toujours prête à aider. Avec une très grande générosité.

L’accueil des réfugiés : bosniaques, avant que d’être syriens ou afghans.

Tout le monde se rappelle les années 2015 et 2016, quand toute la misère syrienne et afghane débarqua en Allemagne, n’est-ce pas ? Pour ceux qui auraient oublié, quelques graphiques qui mieux que moi diront – en négatif – ce que la France n’a pas fait.

Cet accueil, l’Allemagne l’avait déjà réservé aux réfugiés des guerres des Balkans, quand la France, là aussi ne faisait pas trop rien.

Je pense que peut-être ce que les Français ne comprennent pas non plus, c’est que quand on « accueille », en Allemagne, on le fait BIEN. C’est à dire qu’il n’y a pas ici de « jungle de Calais », ou de « tentes quai du canal Saint Martin » mais des hébergements toujours en « dur », et si cela n’est pas de la pierre de taille, du moins décents.

Ce sont aussi des cours d’allemand, des cours pour les femmes, tout un maillage d actions sociales trés coordonnées, pour que hommes, femmes et enfants, puissent « oublier » et s intégrer.

Encore aujourd’hui, des milliers d’allemands y sont engagés bénévolement.

En ce moment, dans l’enfer provoqué par Poutine, c’est donc aussi toute la « machinerie » administrative allemande et organisationnelle certes, mais respectueuse des besoins élémentaires des êtres humains et ayant « appris » depuis 2015, qui se remet en branle ici. Et vous pouvez être sûrs, que dans l’horrible contexte qui est imposé aux Ukrainiens, ils ne dormiront pas dehors ici.

Pour l’heure, seuls près de 40 000 ukrainiens sont arrivés ici, surtout à Berlin. Contre plus d’un million en Pologne. Peanuts, naturellement (merci à la Pologne).

Demain ? Kiev est à 1500 km de Francfort. Rien.

Ce n est pas chez Orban qu ils iront.

La générosité de la société civile

Idem. On peut dire ce que l’on veut. Raconter que les « allemands » rachètent leurs pêchès. C’est parfaitement idiot.

Les Allemands (pouvoirs publics) sont de loin les plus grands donateurs en matière d’aide aux pays en voie de développement. Et l’année dernière encore, les dons privés faits à de multiples associations ont encore atteint des records, augmentant de 14% pour s’établir à 3,8 milliards d’euros. En cause les innondations catastrophiques survenues essentiellement dans le Palatinat. Mais pas que, car d’années en années, nos voisins se montrent, depuis 2005, toujours plus généreux.

Et prêts à aider, dès que leur prochain est en danger. Ainsi, en 2021 comme les années précédentes, d’après une enquète effectuée par l’office des statistiques allemand, plus de 38 millions d’allemands âgés de plus de 14 ans estimaient particulièrement importants pour eux d’aider d’autres personnes en situation de détresse.

Ici, depuis 5 jours, les communes réactivent effectivement leurs « plans réfugiés » , aident à coordonner l’aide spontanée des « citoyens » qui sont légions à voulor aider. Ouvrent des « Hotline » pour canaliser l’élan de générosité.

Dans mon petit village, pas moins de deux « Hotspots » comme on dit aujourd’hui, sont 24 h sur 24 h accessibles. Je les remercie parce que sinon, je ne savais pas où aller.

Demain, je vais cependant à Francfort, pour soutenir mes « concitoyens ». Espérant et priant – comme tout un chacun – que le tyran russe ne nous entrainera pas tous dans son enfer.

La beauté du monde est ce qui fait vivre : Paula Modersohn Becker.

Exposition époustouflante au Schirn (Francfort) encore une semaine !

Je ne la connaissais absolument pas. N’avais jamais entendu parler d’elle à l’inverse de Gabrielle Münter, une pré-expressionniste allemande (cela va avec), que déjà j’appréciais beaucoup. Mais « elle » ? Paula ? Modersohn Becker ?

C’est par l’intermédiaire d’un petit livre en son hommage, par une écrivaine dont je me méfie (à cause de Tom), Marie Darrieussecq, que je l’ai découverte, et qui a là, écrit un petit bijou, « Etre ici est une splendeur » (P.O.L, 2016), contant donc la vie de Paula Modersohn Becker, quasi inconnue du grand public français malgré une exposition retrospective en son nom au MAM de Paris en 2016.

Le hasard fait bien les choses, car, alors même, qu’en toute innocence, je lisais ce livre (Merci Marie), comme toujours, quand quelque chose pique ma curiosité, j’ai donc « surfé » sur le nom de Paula. Et m’est apparue une exposition au Schirn de Francfort, jusqu’au 6 février 2022 (Incroyable, mais vrai!), présentant quelques unes des 750 toiles et près de 1500 dessins, qu’elle a produit durant sa courte existence de 31 ans. Les deux dernières années, ayant été particulièrement fructueuses puisque 100 toiles ont été décomptées, dont elle ne vendra en tout et pour tout que cinq durant son vivant.

Me sont apparus alors des portraits.

Beaucoup de portraits.

D’enfants. Plein pot, de manière frontale, ressérée ou de plain pied. Avec leurs traits brossés à grands coups de pinceau, bruts, des yeux agrandis, comme emplis de surprise ou d’effroi, directs, ouverts, avides ou vides. Sans aucun maniérisme. Sans aucune « pose ». Tout simplement « comme ça » dans un flot de couleurs saturées.

Et toujours, ces espèces de symboles ou d’attributs qui les accompagnent. Fleur, fruit, collier.

Beaucoup d’autoportraits aussi. Non pas qu’elle se « mire » et s’admire. Non, elle cherche un langage. Quelque chose d’autre que la peinture aurait à lui dire.

Toujours, ces traits simplifiés, ces yeux immenses. Ces nus. Ou demi-dénudés.

On a le sentiment d’être en face d’un Douanier Rousseau. D’un Gauguin surtout. (elle le découvre en même temps, tout comme Cézanne, le grand des grands).

Plus tard, nous apprendrons que cela fut la première femme à se prendre elle même comme modèle NU. A se prendre elle-même comme « Nu enceinte », ou voulu « enceinte ».

A peindre un enfant « tétant ».

C’est tellement inédit, tellement « vrai » alors qu’elle n’en n’a pas fait l’expérience, que l’on en reste interdit. Comment, une telle « chose », triviale, chassée de toutes les représentations, de tous les narratifs, a-t-il pu s’exprimer.

Merci. Très vrai.

Paula MB, est née en 1876 à Dresde, dans une famille bourgeoise sans problème; Le père d’origine étrangère, ingénieur, voyage beaucoup, est polyglotte, la mère, aristocrate, ouverte à tout, aux arts.

Quand ils s’installent à Brême, en 1888, Paula, 3ème enfant sur 7, suit donc des cours de piano et de dessin à Londres, payés par son oncle, puis à Berlin : elle travaille jusqu’à 6 heures par jour. Pour assurer son avenir cependant, elle accepte parallèlement de fréquenter une formation en vue de devenir institutrice, ce à quoi elle parvient en 1895 (19 ans !).

Mais la visite d’une exposition sur des peintres de « Worpswede », un petit village dans le Nord de l’Allemagne, où des artistes issus de l’Académie de Düsseldorf et férus du retour à la nature avaient fondé une « Colonie », la convainc de se dédier à la peinture.

Elle s’y installe, rencontre son futur mari (Otto Modersohn), et de là, effectue à espace régulier, des séjours à Paris, alors capitale des avant-gardes où elle se rend 3 fois, seule et parfois longtemps pour suivre des cours de dessins dans des académies privées (les filles sont naturellement interdites de celles publiques) et découvrir au gré des expositions d’art contemporain, Cézanne, à qui elle voue un culte alors qu’il est à peine connu : « Cézanne est un des trois grands maîtres qui eurent sur moi l’effet d’une tempête ». Le Douanier Rousseau aussi donc, et bien sûr Gauguin.

Et c’est un mérite de cette exposition du Schirn à Francfort de nous montrer que Paula (PMB), savait extrêmement bien dessiner (« J’apprends ce que c’est qu’un « genoux »). Et que par contraste, ces peintures à l’huile quasi naïves, ne sont pas l’expression d’une maladresse technique, mais au contraire une recherche artistique délibérée.

Elle s’acharne, vit de rien dans des chambres mansardées, accueille Rainer Maria Rilke, qui a épousé sa meilleure amie – Clara Westhoff, sculptrice aussi rencontrée à Worpswede, alors « élève » de Rodin (qui n’était pas élève de Rodin?) – et entretient avec lui des relations très intimes mais non consommées , qui donneront lieu à quelques uns de ses plus beaux poèmes. Notamment à l’heure de sa mort.

C’est aussi à Paris, que son destin commun avec Otto Modersohn est scellé. Il lui rend visite, avec un autre peintre de la « Colonie », doit rentrer préciptamment, sa première femme venant de décéder. Trois mois plus tard, elle l’épouse et tente, tant bien que mal à se plier aux exigences de la vie maritale et domestique, sans se cacher que ses contingences matérielles l’ennuient au plus haut point : « là, je suis dans ma cuisine en train de préparer un rôti de veau ».

Comprenant toutefois, que sans cette relation maritale elle ne peut pas exercer, elle se « range » pour ainsi dire, et entre deux séjours à Paris, retourne à Worpswede, où elle peint tout ce qu’elle rencontre. Des enfants, dont la première fille de son mari, des paysannes, des paysans. Toujours de manière frontale et non dégrossie. Son mari, peintre lui aussi mais de paysages classiques, l’admire et la soutient mais commence cependant à ne plus la comprendre. « Ses couleurs sont formidables, mais la forme? L’expression ! Des mains comme des cuillères, des nez comme des épis, des bouches comme des blessures, des visages de crétins. Elle charge tout ».

Le tableau ci-dessous fut exposé pour la première fois en 1912 en Allemagne avec d’autres de Van Gogh et Gauguin.

Elle « charge tout » mais peint aussi de somptueuses natures mortes (50 en deux ans), où, toujours dans son souci de simplifier à l’extrême, on découvre des petits poissons rouges si joliment stylisés (1907), bien avant ceux de Matisse.

Paula meurt le 20 novembre 1907, à 31 ans, d’une embollie pulmonaire suite à la naissance de sa fille Mathilde le 2 novembre précédant.

Plus tard, elle sera aussi la première femme peintre à avoir un musée dédié.

En 1993, quand les nazis prendront le pouvoir, elle sera naturellement classée « art dégénéré ».

L’exposition du Schirn l’infirme si besoin était.

Germaine de Staël et son « De l’Allemagne » : petites leçons recontextualisées.

Ça y est, c’est parti, les hostilités sont ouvertes et les négociations prendront du temps. A peine Olaf Scholz, nouveau Chancelier de l’Allemagne était-il intronisé à la tête d’une coalition sociale-démocrate / verte / libérale, que, à l’instigation de la France qui vient de prendre la Présidence de l’UE, cette dernière proposait de classer l’énergie nucléaire dans la catégorie des énergies « vertes et durables » puisqu’elle émet zéro CO2 et permet l’indépendance énergétique de l’Europe en attendant que des millions d’éoliennes viennent meubler (polluer) nos paysages !

Vingt Dieux !

Naturellement, de quoi faire s’étrangler les Verts allemands du tout nouveau gouvernement, mais aussi ceux autrichiens, ces deux pays ayant d’ores et déjà fait savoir que cela n’était pas négociable et qu’ils opposaient leur véto.

Pas possible ! Il fallait y penser ! Où allons-nous donc ? On voit mal la France, cette grande nation jacobine et son nucléaire, produit s’il en est des Grands Corps de l’Etat, renoncer demain à ses petites et grandes plus de 50 centrales. Cela va donc durer. A deux, quoi qu’il en soit. A vingt-sept, n’y pensons pas.

La Nature ou l’âme allemande

Pourtant, au-delà de la crise climatique « actuelle » et de l’ascension politique et électorale qu’a connu depuis la fin des années 70’s le parti écologiste outre-Rhin avec le succès que l’on connait, il est bien connu normalement en France, que la Nature, avec un grand « N » cette fois, est un élément indissociable de l’âme allemande et que la dévotion dont elle fait l’objet puise ses racines dans les vieilles légendes germaniques (des Nibelungen par exemple) et l’exaltation sensitive du courant romantique né ici à la fin du XVIIIème siècle. Y toucher, c’est donc bien plus que mettre en place une taxe carbone ou pas. C’est attaquer de front un élément essentiel de l’identité germanique (battu en brèche par l’industrialisation).

Pour ceux qui n’en sont pas totalement convaincu ou qui veulent justement saisir « l’âme allemande » sous toutes ses facettes, nous conseillons fortement de lire le « De l’Allemagne », que Germaine de Staël, femme libre à l’existence publique et privée tourmentée, écrivaine et essayiste parisienne « suisse » à défaut d’obtenir la nationalité française, écrivit au début du XIXème siècle pour justement faire connaître aux Français la culture allemande et le « Sturm und Drang » dont elle était alors traversée, introduisant de ce fait dans l’hexagone le terme de « romantisme » qui connut après les avatars que l’on sait. La Nature (et les ruines médiévales) y étant entre autres sanctifiée, miroir de l’expression des sentiments d’un sujet qui ose s’individualiser. Ou médiatrice d’une vérité supérieure révélée, ainsi que le réaffirma le grand poète pré-romantique Novalis, cité par Madame de Staël à la fin de son ouvrage, et que ne contrediront pas plus tard des auteurs tels que Victor Hugo, Rimbaud, Baudelaire etc… 

Madame de Staël : l’ennemie jurée de Napoléon

Pour mémoire, Madame de Staël, qui ne parla pas que nature cependant, était la fille unique de Necker, qui, bien que suisse et protestant, fut le dernier ministre des finances de Louis XVI et dont le renvoi pour cause de sympathie avec le tiers état, déclencha la prise de la Bastille en 1789.

Née en 1766 et élevée donc dans un milieu très privilégié, Madame de Staël sera très active politiquement pendant la Révolution française et, partisane d’une monarchie constitutionnelle à l’anglaise, connaîtra son premier exil en 1793. A partir de là et toute sa vie, le château de son père à Coppet près de Genève, sera son vrai domicile et salon où toute l’intelligentsia européenne libérale défilera tour à tour.

Rentrée quelque temps après en France, elle admire et se rapproche tout d’abord du Général Bonaparte, mais lui n’a que faire des femmes, surtout quand elles sont intelligentes. Le coup d’État de 1799 la fait basculer dans la résistance. Elle commence à apprendre l’allemand.

En 1803, suite à un de ses romans défendant l’émancipation féminine contre les régressions de la Révolution et du nouveau Code civil, elle se voit cependant notifier son deuxième exil qui lui interdit l’accès à Paris et à 160 kms à la ronde.

Amère, abattue, privée de patrie et de ses cercles intellectuels, par « vengeance » si l’on puit dire, elle décide d’entamer un voyage en Allemagne, alors en plein remembrement et sous la domination napoléonienne, pour faire connaître aux Français tout ce qu’ils en ignorent, dont le Sturm und Drang, alors qu’elle est déjà connue de Schiller, Goethe & co, ce dernier ayant même traduit un de ses essais littéraire paru peu de temps auparavant.

La lecture obligée pendant des décennies

Mais elle part aussi pour faire « la nique » à celui qui deviendra empereur l’année suivante, puisque dans cet ouvrage, elle ne cesse de faire l’apologie de la « Nation » allemande, qui pourtant n’existe pas encore. Et ne doit, pour Napoléon, surtout ne PAS exister.

De l’Allemagne, sera écrit entre 1808 et 1810, à l’issue de deux voyages faits entre autres avec son amant de l’heure Benjamin Constant, et avec l’aide d’un éminent germaniste de l’époque (De Villiers) ainsi que du père du premier romantisme allemand, August Wilhelm Schlegel, dont elle fait son secrétaire particulier et le précepteur de ses 4 enfants.

Soumettant son œuvre à la censure en 1810, celle-ci raye quelques lignes anodines et donne le bon à tirer. Mais à peine l’essai est-il sorti des presses que la police politique de Napoléon le met au pilon, détruit les épreuves et notifie à Madame de Staël, son exil définitif cette fois hors de tout le territoire hexagonal, son livre n’étant jugé « pas français ». 

Bien sûr, il faudra s’armer d’un peu de patience, car les deux tomes représentent environ 800 pages, taille 10, le style, les raisonnements et références étant ceux de l’époque, soit pour nous un peu étrangers. Mais si vous n’avez jamais lu Faust dans le texte, les Brigands, Wallenstein, Kant et Leibniz et si vous n’y connaissez rien au protestantisme et piétisme, cette lecture ne peut que vous enrichir, puisqu’elle fut pendant largement plus d’un siècle, LA lecture obligée pour qui voulait en savoir plus sur nos voisins d’outre-Rhin. Et est encore responsable aujourd’hui de nombreux clichés et préjugés sur ce pays des « grands penseurs », « poètes » et « musiciens ».

Double censure

C’est bien sous l’effet d’une double censure que Madame de Staël écrit ce livre. La censure napoléonienne tout d’abord puisqu’il est naturellement hors de question à l’époque d’attaquer frontalement la politique hégémonique de Bonaparte en Europe et en Allemagne, les vexations qu’il fait subir au-delà du Rhin, les batailles qu’il y mène, les privations qu’il engendre. Dans tout l’ouvrage, jamais il n’est jamais donc fait mention directement du régime impérial ni du « tyran », mais tout est dans les comparaisons avec des figures littéraires ou entre les lignes bien sûr. Apologie de la nouvelle Allemagne naissante, le livre dans son ensemble n’est de fait qu’un négatif de l’Empire français, et en cela, la critique est claire et se suffit en elle -même.

Autocensure ensuite : difficile quand vous êtes accueillie par tout le Gotha allemand et autrichien pour écrire un hommage à leur culture, de leur tirer en même temps à boulet rouge. Du coup, toutes les remarques autres que littéraires ou philosophiques de Madame de Staël sont empreintes de ce qu’elle appelle elle-même pour être gentille, les contradictions de l’âme allemande (et qui se manifesteront malheureusement tragiquement les décennies et le siècle suivants) et de sa propre ambivalence à l’égard d’une « Nation » dont les intellectuels la fascine mais qu’elle n’aime pas vraiment non plus.

Pour autant, vous n’êtes pas obligés de tout lire et pouvez très bien ne picorer que les chapitres qui vous intéressent.

En la matière, ci-joint quelques-unes de ses réflexions issues du livre « premier » qui en 20 chapitres, tente justement de dresser le portrait anthropologique des « Allemands », et en ce sens, après Montesquieu, est considéré comme le premier essai de sociologie politique et d’ethnologie de l’aire germanophone.

Mais attention : comme de nombreux critiques l’ont fait remarquer, il ne s’agit pas d’un « reportage » car les quelques descriptions spatio-temporelles ou informations de chair et de sang qu’elle nous donne sont rares et se réduisent toutes aux « impressions pénibles » qu’évoquent pour elle la nature justement, l’immensité et la profondeur des forêts, ces plaines infinies recouvertes de neige, ces étendues de bruyères et de sables, ces « campagnes désertes » et ces « maisons noircies » qui sont « tristes » et l’écho de sa propre tristesse d’apatride.

De même si Berlin, ville nouvelle, est bien conçue, elle n’a cependant pas d’âme car pas d’histoire. Seul le Prater de Vienne, semble avoir ses faveurs, car, dans sa candeur, elle y voit le lieu symbolique où tout un chacun se promène en harmonie.

Culte de la pensée, honnêteté, lenteur et soumission

Dans ce cadre et se basant sur l’organisation territoriale et politique de l’espace germanophone, toujours très fragmenté, avec deux grands royaume (Autriche et Prusse) et de multiples autres principautés, elle en tire la conclusion que cette « division funeste » est cependant « favorable aux essais en tout genre ». La « Nation » allemande n’ayant en effet pas de « centre », de capitale où se pervertir dans de vaines mondanités comme en France, elle favorise a contrario la pensée solitaire et analytique. « La plupart des écrivains et des penseurs travaillent dans la solitude ou seulement entourés d’un petit cercle qu’ils dominent ».

Sous sa plume, que l’on peut naturellement juger naïve aujourd’hui (voire dès 1813), mais qui présente quelques vérités atemporelles, elle ne voit dans l’homme (et la femme allemande) que bonne foi, « loyauté » (un terme qui revient sans cesse), « sincérité » et « fidélité ». Le respect des normes sociales est tel, qu’elle s’extasie devant un habitant de Leipzig ayant accroché une pancarte à son pommier, priant les passants de s’abstenir d’en cueillir les fruits. Ce qui fut fait.

Trop honnête, trop introverti et plongé dans la profondeur de ses réflexions, « l’Allemand » ne saurait donc mal agir ou mentir. Il ne parle donc que s’il a quelque chose à dire de sensé, sinon se tait. Ce qui évidemment, quand l’on ajoute à cela la grammaire allemande (verbe à la fin bien souvent), interdit toute sorte de conversation à bâton rompu (interruption) et badine à la française, où le plaisir de simplement « causer » est essentiel.

« La loyauté des Allemands ne leur permet rien de semblable ; ils prennent la grâce au pied de la lettre » précise-t-elle ainsi. Et ne cache pas cependant que si cette authenticité est une vertu, converser plus légèrement lui manque terriblement.

D’autant qu’un autre trait caractéristique selon elle serait la « lenteur » (et là, on rit quand même) : « On a beaucoup de peine à s’accoutumer en sortant de France, à la lenteur et l’inertie du peuple allemand ; il ne se presse jamais, il trouve des obstacles à tout ; vous entendez dire en Allemagne C’est impossible cent fois contre une en France ». Lors de sa traversée du Rhin, ses domestiques « s’impatientent » (et s’étonnent que personne ne comprenne la langue de Molière !). Une paysanne impavide à qui elle dit alors « vous êtes bien tranquille » lui répond nonchalamment : « oui, pourquoi faire du bruit ?».

Et de se demander alors, « à quoi tient donc que la nation manque d’énergie, et qu’elle paraisse en générale lourd et bornée ? » tout en ayant la réponse. Car bien qu’elle affirme qu’il n’y a point de censure en Allemagne et que chacun peut s’exprimer dans sa province comme il l’entend (ce qui est faux), notamment en Prusse (encore plus faux, notamment son portrait de Frédéric II), elle note cependant « Il n’est point d’assemblage plus bizarre que l’aspect guerrier de l’Allemagne toute entière, les soldats que l’on rencontre à chaque pas, et le genre de vie casanier qu’on y mène », sans faire le rapprochement même s’il est bien connu, que moins un régime est démocratique, plus ses citoyens se terrent dans leur « niche ».

Ou, si: « La prééminence de l’Etat militaire et les distinctions de rangs les ont accoutumés à la soumission, la plus exacte dans les rapports de la vie sociale ». Cinq lignes plus loin cependant, par peur de sa propre ombre peut-être ou de la radicalité de son propos, elle relativise son jugement, précisant que «ce n’est pas de la servilité, c’est la régularité que chez eux l’obéissance. »

Frédéric II de Prusse

Quand enfin, le livre paru d’abord en Angleterre en 1813, puis en France en 1814, Napoléon était tombé une fois. Aussitôt imprimé, aussitôt vendu à des milliers d’exemplaires, il suscita l’enthousiasme. Pas de tous cependant : de nombreux allemands, que par ailleurs Madame de Staël énervait de par son impétuosité et ses bavardages incessants, qualifièrent l’essai de foutraque à clichés, d’erreurs et de superficialité. Goethe cependant, estima, que s’il avait paru un peu plus tôt, on aurait pu lui imputer les guerres de libération allemandes contre le Tyran, Me De Staël ayant largement contribué à l’émergence de leur identité nationale (unifiée) et la mise en valeur et promotion au-delà des frontières du « génie allemand ».

En France, comme déjà évoqué, il resta pendant des années la « Bible » s’agissant de l’Allemagne. Jusqu’à ce que le militarisme et nationalisme fou de cette dernière, pressentis mais non analysés jusqu’au bout, ne causent les dégâts et atrocités que l’on connait.

Restent cependant quelques petites leçons : fédéralisme, culte de la nature, de la pensée analytique scrupuleuse, « loyauté » et lenteur : le nucléaire « vert » n’est pas prêt de passer.

Omicron : vive le fédéralisme !

Depuis maintenant près de deux ans – et même -, la première chose que je fais le matin en me levant, c’est de lire les « news ». Notamment, celles relevant de notre chère pandémie, histoire de savoir ce qui m’attend dans les jours à venir.

Et là, ce matin, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire.

Alors qu’en France, la veille, la barre des 200.000 nouvelles infections quotidiennes avait été franchie, qu’en Anglettere, les hôpitaux étaient remplis à ras bords, l’Allemagne, aveugle et telle qu’en elle-même, affichait une baisse « record » de ses statistiques, le taux d’incidence diminuant depuis une semaine de manière continue, soit de 30% par jour, pour atteindre un « merveilleux » 224,9 le 30 décembre donc, contre un…. 400 il y a quelques jours encore!

N’est-ce pas incroyable!

Invariablement aussi, « forte » de cette extraordinaire baisse, le Ministère des affaires étrangères, classe ses voisins « Pays à haut risque » (La France par exemple, c’est clair). Ou « Pays à variants », ce qui est le pire (l’Angleterre par exemple).

N’est-ce pas sympa.

Et vous ?

Hier, le nouveau Ministre de la santé – Karl Lauterbach, un médecin lui-même, ouf – a quand même eu le courage de dire que, compte tenu des jours fériés, du fédéralisme et de la non digitalisation des données, certainement « notre » taux d’incidence, se situait plutôt à 500 ou 750.

Ce matin enfin, le président de l’Association internationale des médecins, Frank Ulrich Montgomery, s’est un peu « énervé » (En Allemagne, on « s’irrite » quand il y a le feu), qu’il ne soit pas possible d’avoir des données fiables pendant la trève des confiseurs.

Effectivement.

On se demande nous aussi, pourquoi les Français arrivent à tester, quand en Allemagne, il ne se passe plus rien. Et ce, à vrai dire, depuis la campagne pour les législatives de septembre.

Le réveil va être dur.

La semaine prochaine, les statistiques vont nous exploser à la figure.

Déjà, on entend dire, que pour ne pas paralyser l’économie (Omicron, s’il ne conduit pas à la mort, conduit du moins à un arrêt maladie), les vaccinés 3 fois, seront exemptés de toutes autres vexations pour pouvoir continuer à travailler. De manière à pouvoir traiter les non vaccinés.

D’accord. Moi, tout cela me dépasse, et en attendant que cela se fasse, je me suis décidée pour le Online. Vraiment. En mon âme et conscience.

Pour en finir avec … Napoléon (le tyran, 2).

A défaut de pouvoir en finir avec cette pandémie de Covid qui sévit depuis près de deux ans maintenant, toujours repart ou jamais ne s’arrête, avec ses confinements, déconfinements et reconfinements, finissons-en du moins avant la fin de l’année avec Napoléon, qui, comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques posts passés, fait ici crier dès que vous prononcez son nom.

Les soirées étant souvent longues par les temps qui courent et les occasions de contacts diminués, à l’instar de tout un chacun on a donc découvert les séries. Et les docu-fictions en tous genres.

Du coup, il y a quinze jours, avant l’instauration de nouvelles restrictions, je me suis dit : « tiens, regardons donc celui que propose Arte en ce moment sur la guerre franco-allemande de 1870 ». Il n’était pas de très bon goût à mon sens, mais peu importe car encore une fois j’ai pu y apprécier la « haine » qu’une certaine Allemagne d’alors vouait à la France à cause donc de tous ses Napoléon (le n°1 et 3). Vous y voyez en tous les cas le Chancelier Bismarck et le futur Guillaume II de Prusse (celui qui déclara la guerre en 1914), mettre tout en oeuvre pour battre définitivement cette foutue « grande Nation » et, accessoirement, réaliser l’unité allemande sur son dos, en l’humiliant copieusement dans la galerie des glaces de Versailles.

Vous me direz : oh les « s… ».

Oui, sauf qu’à l’époque, on en est pas encore à toutes les autres guerres et humiliations et contre humiliations qui s’en suivront, et qu’au banc des accusés du XIXème, c’est bien le CORSE que l’on retrouve.

Pourtant, à l’origine, de notre point de vue, nous n’étions pas les agresseurs. Dès 1792, les guerres menées contre les coalitions d’Europe centrale et de l’Est visaient à défendre la France et les acquis de la Révolution contre la tyrannie des monarchies d’ancien-régime. Certes.

Et quand, en 1803, un « Recez d’empire » (romain germanique) entérine, sous la houlette d’un Napoléon qui n’est alors que « Consul à vie », la reconfiguration de la carte de l’Allemagne, c’est plutôt une sorte d’admiration qui l’emporte face au « génie de la rationalisation » des français qui depuis longtemps occupent la rive gauche du Rhin. Pour mémoire, ses 3/4 de principautés éclésiastiques seront sécularisées, 350 petits territoires féodaux et la plupart des villes libres d’empire médiatisés (fusionnés). La Prusse ayant déjà été neutralisée en 1795, ce sont alors surtout les états du centre et du sud qui font l’objet de cette vaste opération de remembrement. De plus gros territoires font ainsi leur apparition où, parfois, mais pas toujours, sont appliqués les principes républicains (abolition des privilèges, du servage, émancipation des juifs, entrée en vigueur du Code civil). Certains sont même élevés au rang de Royaume, ce qui n’est pas pour déplaire aux dynasties locales, loin s’en faut. On estime ainsi que la Bavière et le Bade par exemple se retrouvent 10 fois plus grands et populeux qu’auparavant. Objectif : créer des Etats tampons contre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Admettons.

Problème, parallèlement, Napoléon a repris la guerre contre l’Angleterre et, pour faire la nique à ses voisins du continent, se fait couronner lui-même Empereur en 1804. Forcément, l’Autriche qui se sent par ailleurs menacée par les nouveaux Etats du sud, se réangage alors dans un conflit contre le « français » et « échoue » à Austerlitz…

Suivant l’adage qui dit, il faut battre le fer tant qu’il est chaud, Napoléon instaure alors un blocus continental contre l’Angleterre et crée pour asseoir sa suprématie en Europe centrale, la Confédération du Rhin en 1806. Sorte d’OTAN avant l’heure, soit alliance militaire sous la protection de Napoléon, celle-ci rassemble à ses débuts seize Etats allemands (30 en 1808) qui se dissocient du Saint Empire Romain Germanique, signant par la même son arrêt de mort.

L’Autriche vaincue, c’est cependant alors au tour de la Prusse de se rebeller. Elle échouera aussi à Iéna (1806), puis, avec la Russie, à Eylau et Friedland (1807).

Cela vous dit quelque chose ? Même si l’on n’est pas « fan » de Napoléon, on a tous quelque peu en tête ces noms de « victoires » à la gloire desquelles des monuments parisiens tels l’Arc de triomphe ou la tour de la Place Vendôme se font les échos.

Pourtant, on se demande de quelles « victoires » il s’agit vraiment ?

En Allemagne, ces guerres eurent un coût terrible.

En termes de morts sur les champs de batailles tout d’abord. Austerlitz ? 15.000 morts côté Autriche. Eylau ? près de 30.000 morts et blessés côté Russie et Prusse (30.000 côté français). Et là, j’ai en tête le souvenir aigü d’une exposition organisée il y a quelques années à Bonn. Intitulée « Napoléon et l’Europe : Rêves et traumatismes », elle consacrait effectivement de nombreuses salles aux traumatismes vécus par les soldats et populations civiles.

Lors de sa dernière campagne de Russie (1812), parce que celle-ci refusait justement de se plier au blocus continental, Napoléon engagea près de 700.000 soldats dont 450.000 français, le « reste » étant des alliés dont 90.000 allemands!

Tous ne franchirent pas le fleuve frontière du Niemen, mais sur les 440.000 qui firent l’Aller, moins de 100.000 eurent droit au retour. Affreux.

Economiquement ensuite. La défaite de la Prusse en 1807 lui vaut l’amputation de la moitié de son territoire et l’obligation de payer des réparations de guerre (tiens tiens, déjà…) ainsi que des frais d’occupation faramineux. Concrètement, sur fond de blocus continental donc de blocage des importations anglaises, la fin du règne européen de Napoléon signifiera surtout misère et famine.

Du coup, on passe de l’admiration à la crainte puis à la haine.

D’autant qu’évidemment, la censure règne.

En 1813, Ernst Moritz Arndt, écrivain, poète, élève de Fichte* et « père » avec lui du patriotisme allemand, grand contempteur de Napoléon, n’hésite pas à écrire dans un pamphlet destiné à mobiliser ses concitoyens : « Je veux la haine à l’encontre des Français, non pas seulement durant cette guerre. Je la veux dans la longue durée, je la veux pour toujours ».

Quoi qu’il en soit, la défaite de Napoléon en Russie et la « Bérézina » (nov. 1812), redonnèrent des ailes aux Allemands, aux Russes et aux Autrichiens, qui, une dernière fois s’allièrent pour bouter le Tyran hors de chez eux.

Dès mars 1813, la Prusse redéclare la guerre à la France, rejointe rapidement par l’Autriche. Ici, on appelle ces levées en masse « les guerres de libération », et c’est à cette occasion parait-il que serait né le drapeau allemand, ses couleurs étant en fait celles du costume du bataillon des Corps francs étudiants de Lützow (noir, rouge, or).

La défaite finale de Napoléon eut lieu à Leipzig, en octobre 1813, durant « La bataille des nations » (enfin pas du peuple) et dont on peut « admirer » le mémorial dans la ville du même nom.

Ce qui est intéressant de constater : lors de ses deux abdications, les puissances « alliées » ne punirent pas véritablement la France, soucieuses de ménager le retour des Bourbons, restaurer certes « l’ordre ancien », mais aussi établir une sorte de « balance of power » en Europe.

De notre côté du Rhin, le culte de Napoléon se perpétua cependant bien que l’on estime à entre 800.000 et 1,3 millions le nombre de morts français occasionnés par son « épopée ».

Pour ne pas dire : mit trés trés longtemps à s’éteindre. Ainsi, on dit qu’Albert Dieudonné, interprète de l’empereur dans le célèbre film d’Abel Gance de 1927, se prenait à la fin de sa vie pour sa réincarnation. Il parait également, que dans les hopitaux psychiatriques, longtemps il y eut beaucoup de répliques vivantes du corse mégalomane (CQFD ?). En tous les cas, ce qui est aussi certain, est que cette idolâtrie peut vraiment faire commettre des folies. En 2019, à l’issue de la reconstitution d’un bal empire, le plus grand spécialiste russe de Napoléon a ainsi assassiné son étudiante et amante de 40 ans sa cadette. Puis découpée en petits morceaux.

Non décidément, Napoléon n’est pas ma tasse de thé.

*Discours à la Nation allemande, 1807

Passation des pouvoirs : tout est calme, harmonie et dignité!

Après demain, cela fera donc une semaine qu’Angela Merkel (CDU, conservateur) aura définitivement passé la main à son successeur. Olaf Scholz, 63 ans, membre du SPD (parti socialiste), en politique depuis sa jeunesse étudiante, ancien maire de Hambourg, ancien Ministrre des finances de la même « Angie », a en effet été élu mercredi 8 décembre dernier nouveau Chancelier d’Allemagne par le Bundestag. Une élection, qui n’a surpris personne, tant le résultat était sûr et attendu depuis les législatives de fin septembre. Mais qui en revanche a étonné de par sa sérénité. Sa dignité. Son « harmonie ».

Car oui, et la presse internationale l’a bien rapporté : l’Allemagne nous a donné la semaine dernière une grande leçon de démocratie parlementaire. Cela tient au système d’abord (une république fédérale ET parlementaire donc, avec un sytème électoral intégrant une part de proportionnelle versus un régime semi-présidentiel ne connaissant que les scrutins uninominaux à deux tour). Cela tient aux personnes aussi.

Ici, comme nous l’ont encore rappelé tous nos étudiants la semaine dernière, on voit au premier plan à gauche, le « nouveau » chancelier, habillé décontracté (ce qui n’est pas vrai, il porte toujours cravate), tenant son premier discours à un pupitre qui porte les couleurs du drapeau allemand. A droite, « Angela », habillée aux couleurs de l’Allemagne, qui s’en va discrètement et que la foule au loin acclame, n’ayant d’yeux que pour « Mutti » et lui lançant des « je t’aime » sur fond d’Eglise du souvenir à Berlin. Et bien sûr de la Porte de Brandenbourg, où on l’a retrouve, Victoire s’envolant dans les cieux avec son quadrige de chevaux moins ailés qu’elle… Un triomphe à l’envers ?

Sûr est qu’elle ne sourit pas. Angela, c’est bien connu, s’est rarement laissée aller à l’expression de quelques émotions que ce soit. Et la semaine passée n’a pas fait exception.

Déjà, quelques jours auparavant, lors d’une cérémonie quelque peu désuette – Le grand « Zapfenstreich » – rendu en son hommage par l’orchestre de l’Armée, on avait traqué en vain le frémissement d’une aile de nez, des yeux éventuellement embués, une larme coulant sur la joue. Rien, ou si peu, au grand désepoir des commentateurs. Pourtant, la Bundeswehr avait sorti le grand jeu, au point de faire peur à certain de mes « jeunes » (et moi avec) : soldats armés, casques d’acier, flambeau dans la nuit… Une onde de mauvais souvenir nous a descendu le dos.

Mais mercredi dernier, au Bundestag, encore rien que moins rien. Malgré les ovations à tout rompre, Angie a attendu sagement son tour à sa place de député ou d’ex. Comme si de rien n’était.

Ou si, un joli discours et des voeux de succès sincères à Olaf Scholz à qui elle dit quant à sa nouvelle fonction « C’est une tâche passionnante et gratifiante, exigeante également, mais si on l’aborde avec joie, c’est peut-être aussi l’une des plus belles tâches possibles ».

Et pof!

On croirait entendre un pasteur, parlant d’un sacerdoce au sens le plus noble du terme… et quand on sait qu’elle est effectivement fille de pasteur, peut-être comprend-on mieux toute l’impassibilité dont elle fait preuve 16 années durant. Se sentait-elle appelée par une mission supérieure ?

Olaf, le protestant sobre mais décidé du Nord, ne fut pas de reste, qui a géré la transition, tout comme il avait géré son élection. Sans vagues. Calmement, dignement et fermement.

Pourtant, la tempête aurait pu être violente, puisque pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne, le pays sera gouverné par une coalition Socialiste/verte/libérale, parfaitement inédite à ce jour. Et si l’on ne pouvait pas faire plus disparâtre dans les idéologies et philosophies politiques, cette coalition et le « Contrat » qui va avec de 168 pages, a été négocié en 2 mois contre 6 la dernière fois. Sans cris et sans heurs ce qui fait preuve d’un sens certain des responsabilités et doit être ici loué.

Et demain ?

Tout est bien qui finit bien en quelque sorte. L’Allemagne a un gouvernement en ordre de marche. On avait craint le pire. Au niveau européen aussi. Alors que la France s’apprête à prendre la direction tournante du conseil, qu’aurait-elle pu espérer faire, avec un gros vacum outre-Rhin?

Rien.

Tout le monde respire donc, et depuis, les grandes figures du gouvernement Scholz ont déjà fait leur petit tour de l’Europe. Avec bien sûr, en premier lieu : Paris!

Jeudi dernier, Annalena Baerbock, tête de liste des verts en septembre dernier et maintenant Ministre des Affaires étrangères, s’est rendu pour la première fois au Quai d’Orsay. On n’ose s’imaginer cette première rencontre, et en notre for intérieur, on en riait un peu beaucoup : que pouvait-elle penser, elle, alors que la France vient de décider de relancer le nucléaire, voire pire, le faire reconnaître comme énergie « verte » et « durable » par l’UE !

ça va chauffer !

Vendredi, c’était au tour d’Olaf donc. Aujourd’hui de Christian Lindner. Le Ministres des finances libéral… qui, tout en faisant illico en interne, des tours de passe-passe budgétaires quasi inconstitutionnels, allouant à un fonds « Energie – Climat », 60 Milliards d’endettement initialement prévus pour la pandémie, y défendra certainement une certaine idée de la rigueur budgétaire…

ça va être intéressant.

Côté Angie, on ne sait pas trop quelles sont ses intentions. Ikéa a bien tablé que dès lors, Mutti resterait à la maison. Mais quand on sait qu’elle a déjà un bureau réservé avec quelques huits employés, elle ne risque pas de chômer demain. Pour autant, on peut compter sur son sens des responsabilités, pour ne pas faire ombrage à ses successeurs. A moins qu’il ne lui reprenne l’envie du jeu de la Dame…

Cause féminine sous Angela : le progrès malgré elle!

Avant de repartir sur Napoléon (pour en fait vous parler de Germaine de Staël, déjà évoquée), petit interlude sur le bilan de la cause féminine après 16 ans de gouvernement Merkel.

Vous allez nous dire : elle nous gonfle celle-là !

Oui, et je suis bien d’accord avec vous, vu que la situation de la « femme » et « mère » en Allemagne, m’a toujours assez interloquée et gênée, mais que j’ai bien dû m’aligner sur leur juridiction.

Donc, comme en ce moment on est à l’heure des « bilans » de l’ère Merkel en Allemagne, notamment à l’encontre des femmes et mères qui ne l’ont jamais intéressée (on ne la condamne pas, c’est très facile à comprendre), quand même un petit bilan, vécu.

Prérequis 1 :

  • Sous le nazisme, il était clair, que la femme se devait d’être au foyer, pour élever de gentils aryens aux yeux bleus et cheveux blonds. C’est le fameux « Kinder, Küche, Kirche ».
  • Pétain n’a pas fait autre chose, qui octroya à ma grand-mère une « médaille » de mère de famille nombreuse. Malheureusement, cela ne l’arrangeait en rien, et elle aurait préféré du « pain » pour nourrir sa nichée (13 enfants, on passe).
  • J’ai beaucoup toujours de compassion pour ma Grand-Mère, aimante. Et les familles nombreuses.

Prérequis 2 :

  • Après le nazisme, les représentants de la Constituante de la RFA – prétextant le « nazisme » justement, et son enbrigadement des jeunes – n’ont rien trouvé de mieux à dire que la « sphère familiale » relevait du privé (!!!), et que en « aucun cas », l’Etat ne devait s’en méler.
  • C’est écrit dans la constitution de 1949.
  • Du coup, les femmes étaient de nouveau renvoyées à leur fourneaux, mais cette fois-ci pour la « bonne cause » ! La vraie de vraie!! Cool quand même! Une partie du miracle économique de l’Allemagne d’après-guerre vient de là, les femmes n’étant pas sur le marché du travail.

Tout ceci a formidablement bien fonctionné, jusque dans les années 2000.

« Et si vous le mettiez en centre d’accueil pour enfants (abandonnés, ndlr)? »

je me souviens de ma belle mère, qui, alors que je voulais faire garder 15 heures par semaine mon aîné pendant qu’il faisait la sieste pour que je puisse souffler ou « travailler » avait suggéré, qu’on le mette à la DAAS.

Cela m’avait extrèmement choquée (euphémisme). Mais c’était comme ça. Ce qu’elle pensait.

Non seulement il n’y avait strictement aucune infrastructure digne de ce nom pour accueillir les enfants (jusqu’au bac de ma dernière), le système fiscal faisait tout pour « sortir » les femmes du marché du travail (aujourd’hui encore) mais en plus, on était socialement condamnée quand on voulait travailler. Etant alors qualifiée de « Rabenmutter » (la mère corbeau).

Le Spiegel cette semaine, aime à le rappeler. En 1992 – 1995 (année de naissance de mon fils aîné), 75% de la population ouest- allemande (53% à l’Est) pensait qu’un petit enfant « souffrirait », s’il ne restait pas dans les jupons de sa mère jusqu’à six ans (Les Françaises criaient, elles, à l’inceste !!!). Aujourd’hui, ce « taux » serait tombé à 45% à l’Ouest et 24% à l’Est.

J’ai lutté longtemps contre le « système » donc, et un jour j’ai abandonné, car par ailleurs, il était hors de question que je « refile mes gosses » à des structures ou personnes incompétentes.

Le tournant des années 2000

Les choses ont commencé à bouger au début des années 2000. Raisons ?

  • un déficit démographique terrible, l’Allemagne plafonnant toujours aujourd’hui à un taux de fécondité de 1,57 en 2019 (dû en partie aux migrantes des dernières années). A l’époque, c’était 1,3. Avec de grands écarts entre les « Nouveaux Länders » et les anciens, de l’Ouest et les milieux sociaux.
  • L’étude Pisa sur les performances du système scolaire qui a définitivement enterré le mythe des « jolis après-midis passés à pratiquer des activités artistiques et sportives »!
  • Car dans les fait, ceci n’était réservé qu’aux enfants de la bourgeoisie, la grande majorité des autres regardant la TV ou ne faisant rien… Résultat : la scolarisation des enfants le matin seulement (jusqu’à 11 h ou 12 h ou 13 h), renforçait terriblement les inégalités sociales, mettant en danger même l’intégration des jeunes issus de l’immigration.
  • et bien sûr, la demande des femmes elles-mêmes, désirant quand même un meilleur équilibre entre vie familiale et professionnelle.

Il faut quand même savoir que, aujourd’hui encore, 26% des femmes diplômées en Allemagne n’ont PAS D’ ENFANTS. Par peur justement de devoir rester à la maison et rayer d’un trait toutes les compétences acquises durant leurs études, leur vie personnelle etc…

Dans ce contexte, Angela n’est pas pour grand chose dans la « Révolution » qu’a connu tout le système scolaire allemand (de la maternelle au lycée) et comme le titre le Spiegel de cette semaine. Mais deux de ses Ministres.

Renate Schmidt (socialiste) d’abord qui déblaya le terrain. Et surtout Ursula von der Leyen, aujourd’hui Présidente de la Commission européenne après avoir été Ministre de la famille en Allemagne de 2005 à 2009 (puis du Travail, puis de la Défense…).

C’est à cette femme en effet, membre de la CDU, médecin et mère de septs enfants que ses concitoyennes en Allemagne doivent tous les progrès accomplis en la matière depuis lors. Et ils sont nombreux ! Voire luxueux pour le coup, si on compare certains de ses aspects à ce qui se passe en France.

  • D’abord un congé parental d’un an à 65% de son salaire antérieur (voire de 14 mois si le « père » décide de garder aussi son enfant deux mois durant) ou à 32% pendant presque 3 ans.
  • La « garantie » d’avoir une place au jardin d’enfant à partir de 3 ans, maintenant une place en crêche à partir de deux ans. On ne vous dit pas que cela « fonctionne » – loin de là pour les plus petits (près de 330.000 places manquantes), mais du moins est-ce inscrit dans la loi et donne donc du travail aux cabinets d’avocats.
  • L’école « toute la journée » en primaire : ce qui ne signifie pas que les enfants ont cours l’après-midi mais qu’ils peuvent être « gardés » à l’école, y faire leurs devoirs, pratiquer des activités périscolaires etc…
  • Le collège et le lycée aussi « toute la journée » (avec cette fois des cours l’AM) et la possibilité d’y manger dans une « cantine » ou « cafétéria »… Apparemment, 70% des établissements du primaire et collèges offriraient aujourd’hui une telle possibilité (contre 16% en 2000), et près de 50% des elèves l’utiliseraient (ce qui montre cependant là encore, que la pratique n »est pas du tout encore entrée dans les moeurs.)

Toutes ces années passées, Angela n’a jamais rien dit sur la question féminine allemande, tout en laissant faire. Ce n’est que maintenant, alors qu’on le lui « reproche » à demi-mot, qu’elle tente quelques sorties féministes ou explications. Difficile, ou… peut-être pas à comprendre, si l’on s’en tient à quelques faits.

Pour excuses :

  • Elle-même n’a pas eu d’enfants, ce dont on ne pourrait lui vouloir, c’est son choix.
  • en Allemagne de l’Est, ce problème n’existait pas. Et de facto : le taux de natalité était exactement parallèle aux moyens mis en oeuvre : une politique familiale attractive, tant en termes de services que de fiscalisté. Toutes les femmes est-allemandes, ont toujours pu compter sur « l’Etat » pour travailler. D’ailleurs, aujourd’hui ces dernières, toutes catégories sociales confondues, ont toujours plus d’enfants que celles de l’ouest.
  • A l’Ouest, les méchantes langues disaient qu’elles étaient « aliénées ». Que si elles disposaient de tous ces moyens c’était parce que la RDA manquait de main d’oeuvre (ce qui n’est pas faux), et que le salaire de l’homme ne « suffisait » pas. Ceci, je l’ai entendu de mes propres oreilles par des jeunes femmes de l’Ouest il y a encore peu. Les femmes est-allemandes cependant, comme les françaises, n’ont jamais vu où était leur problème »d’aliénation ».
  • Elle ne voulait pas lancer la discussion au sein de l’union (CDU/CSU), pour qui cela a toujours été un sujet sensible, étant la moins bien placée pour le faire. D’autant que comme elle l’a dit récemment, elle n’a jamais compris où était le problème (des Allemands de l’Ouest) justement concernant leur crispation sur la garde des enfants et d’un système scolaire intégré.

Ce qui est vrai.

Pour finir, même si l’avenir démographique de l’Allemagne n’est pas des plus rose, tout est bien qui finit bien.