J’écris sous la forme inclusive, car de fait, j’avais deux groupes d’ami.e.s.
D’abord des garçons qui tous deux s’appelaient Alexandre et chez qui j’étais régulièrement invitée pour passer des jeudis après-midi à jouer au « garage », aux « avions » ou je ne sais quel autre jeu masculin. Moi, cela ne me gênait pas car j’étais assez « facile » à vivre, pas peste ou capricieuse pour un sou, assez garçon manqué en somme, et j’aimais bien être en leur compagnie, dans leurs beaux et grands appartements avec leurs mamans gentilles qui nous préparaient de bons goûters.
Le deuxième groupe consistait en une famille avec 4 enfants dont 3 filles, les deux ainées bien qu’ayant un ou deux ans d’écart, étant dans la même classe que la mienne.
Nathalie et Isabelle, pour ne pas dire leurs vrais prénoms, étaient vraiment mes grandes amies. Elles avaient aussi une petite sœur Marguerite, et un petit frère dont malheureusement j’ai oublié le nom.
Chez elles, j’ai passé des heures et des heures, en semaine après l’école, certains autres jeudis et moultes samedis. J’y étais, pour ne pas dire tout le temps, cependant très souvent.
Je ne cessais de m’étonner sur leur mode de vie, tellement radicalement différents de ce qui se passait chez nous.
Leurs parents étaient médecins et actifs tous deux, très libéraux et « cools » comme on dirait aujourd’hui. Dans la journée, c’est une gouvernante qui s’en occupait naturellement. Leur appartement était aussi de type Hausmann, et beaucoup plus grand que le nôtre pour loger cette famille nombreuse. Comme toujours un long couloir desservait les chambres des enfants et nous servait très souvent d’aire de jeu préférée. Elles avaient aussi des animaux – lapins, tortue, hamster – dont il fallait bien sûr s’occuper, si ce n’est ennuyer.
On jouait à tout ce que peuvent jouer des filles pour le coup, tout en étant très émancipées par ailleurs.
En classe, nous n’étions pas en concurrence, en revanche, il est clair que faisions parties du trio de tête, y compris Isabelle, la cadette, qui malgré son jeune âge, souvent nous dépassait, le savait et que parfois, je trouvais un peu arrogante de ce fait.
Moi, de toutes façons, j’étais cyclothymique si l’on peut dire. Tout dépendait du professeur de l’année en cours. Je ne me souviens absolument pas des deux premières, mais très bien des trois derniers.
En CE2, j’ai eu un instituteur très troisième République, qui, vêtu d’une blouse grise commençait toujours ses cours par une leçon de morale à l’ancienne. Il était très exigeant, nous lançait des défis, notamment en mathématiques, ce qui moi, me ravissait. Et les récompenses, quand nous le satisfaisions, étaient vraiment passionnantes (dias animés, cours d’histoire). Nous l’adorions en fait. J’étais très bonne élève dans sa classe.
Mais il était aussi un peu sadique aussi, il faut le dire. Quand il corrigeait, penché par-dessus nos épaules, nos devoirs dans nos cahiers, à chaque faute repérée, il nous enfonçait la pointe de son stylo bic dans la tête. Pas très fort bien sûr, mais quand même ! Un jour, alors que je bavardais trop à son gré (j’étais bavarde donc), il a voulu me donner un coup de bâton sur les fesses mais du haut de son bureau, m’a « ratée». J’en ai eu une ecchymose longue et bien bleue que je n’ai pas réussi à cacher à ma mère qui a été se plaindre au Directeur. Occasion pour elle certainement aussi de se disculper de ses propres exactions, car elle ne dit naturellement jamais ce qu’elle nous faisait subir à la maison. Comme je n’étais pas aussi soignée et appliquée que ma sœur, un jour elle a abandonné le contrôle des devoirs. Tant mieux !
Je préférais faire toute seule que sous ses gifles !
Le CM1 fut une catastrophe. L’institutrice m’avait prise en grippe compte tenu du nombre de fautes d’orthographe incroyables que je faisais (et fais toujours). La pédagogie « noire » qu’elle aimait pratiquer a alors provoqué le résultat attendu. J’ai flanché, en ai fait encore plus, mais me suis rattrapée l’année suivante où, bénéficiant cette fois-ci d’un extraordinaire pédagogue, j’ai terminé 1ère de la Classe, ce qui m’a valu l’ouverture d’un compte épargne crédité de 100 FF par la municipalité !
Je pense que ma mère ne comprenait pas. Le « démon » de la famille réussissait mieux que la sœur aînée pourtant tellement sage et appliquée.
Avec mes amies filles, Je n’ai jamais eu l’occasion de partir en vacances, mais j’ai été plus qu’accueillie chez elles, et c’était un espace de liberté incroyable qui me rendait heureuse. Quand ma famille a déménagé dans Paris intra-muros, 6 ans plus tard, rapidement, nous nous sommes perdues de vue, et cela fut une grande de perte. La fin d’une certaine enfance libre, joyeuse et insouciante.