Et là, j’ouvre un chapitre très très important, car « L’Eglise », les évangiles surtout, ont été ma famille de rechange, d’adoption, mon espérance, ma foi, mon « idéologie » même si vous voulez, jusqu’à ce que mon monde s’effrite progressivement à partir de 2002, puis s’effondre littéralement et entièrement à partir de 2014.
Mon père était agnostique et ne s’en cachait pas d’ailleurs. Jamais il n’entrait dans une Eglise ou alors, pour des occasions de circonstances : mariages, baptèmes, enterrements. Je ne pense pas que ma mère non plus croyait, croit en Dieu, ou peut-être de loin, mais elle n’en n’a jamais parlé et n’en parlera certainement jamais, à moins que l’approche de la mort, lui fasse se poser peut-être quelques questions un peu plus profondes à ce sujet. Elle non plus n’entrait jamais dans une Eglise et n’allait jamais à la messe. Même pas celle de Noël ou de Pâques, c’est pour dire. Pratique proche ou égale à zéro.
L’Eglise pour elle, c’était surtout quelques rites de passage (communion, confirmation, mariage etc…) obligés avec des idées étranges et bien arrêtées sur le « comment cela devait se passer », le « paiement » de l’officiant ayant une importance capitale dans l’affaire. Pour ne pas dire essentielle. Voilà, cela doit être ça : elle achetait des sacrements comme on achète un gâteau.
Peu importe.
L’année où je commence à aller au catéchisme est certainement celle de mes six ans, soit de mon entrée à l’école primaire puisque les jeudis, puis plus tard mercredis, étaient libres pour que les enfants puissent recevoir une éducation religieuse à l’extérieur de l’école laïque. J’aime bien aller au cours de cathé. Les dames qui s’en occupent, des mamans engagées de la paroisse certainement, sont gentilles, Il y a plein d’enfants, c’est gai, bruyant quand on a « récré », varié et coloré aussi. Certainement parce que, comme il se doit, nous « bricolons » des tas de trucs lors de nos séances hebdomadaires.

Pour autant, je n’en ai que de vagues souvenirs pour ne pas dire quasi aucun. Ou peut-être si, des histoires de l’ancien testament – Abel et Cain, Daniel, David et Goliath, Abraham etc…- que l’on nous raconte sur la base de Bibles illustrées pour enfants ou de bandes dessinées racontant la vie de certains prophètes, de Jésus ou de saints.
Non, en revanche, ce qui m’a vraiment marquée, ce sont les messes pour les familles du samedi soir.
Elles ont lieu à 18 h, dans la salle de spectacle de la paroisse. Je ne sais pas quand j’ai commencé à y aller, mais je ne devais pas tellement être plus âgée que mes six ans et surtout, j’y allais seule. Ce qui en soit est aussi un peu incroyable, car cela n’était pas la porte à côté, et en hiver, cela signifiait que je m’y rendais et en revenais seule dans la nuit.
Bien sûr, nous habitions donc ce faubourg très chic de Paris que j’ai déjà évoqué. L’avenue pour se rendre à l’Eglise était très large et très bien éclairée, les parisiens le samedi soir faisant encore leurs courses, mais quand même ! Laisser sa gamine en hiver rentrer à point d’heure et seule a quelque chose d’étonnant quand on y pense !
Là, cependant, il faut vraiment dire que ma mère à qui mon père avait entièrement délégué notre éducation, a toujours été très libérale dès qu’il s’agissait de l’Eglise, plus tard de l’aumônerie etc… D’une part parce qu’elle avait autre chose à faire et que du coup cela devait l’arranger de me savoir « gardée ». Puis, c’était l’Eglise justement, donc, je ne risquais pas d’y être dévergondée !
Toujours est-il que je garde un souvenir très fort de ces messes. Elles étaient organisées naturellement de manière très bon enfant, à hauteur de son public et de nos âges d’enfants ou d’adolescents justement. Le prêtre – Pierre Lochet – qui officiait et qui était aussi l’aumônier du Lycée d’à côté, avait en effet le don de nous impliquer puisqu’après les lectures, il ne disait pas de sermon, mais instaurait un dialogue avec nous. Sous forme de questions – réponses qui fusaient de nos bancs et de partout. Il faisait « cours » en quelque sorte, nous amenant avec dextérité à ce que cela soit nous qui analysions ce que nous venions d’entendre et y apportent des – nos réponses.
Et moi, j’aimais ça. Ces histoires fantastiques d’un autre temps, dans d’autres lieux, où les gens pouvaient atteindre des âges prophétiques de plus de deux cents ans ! Nous étions une grande famille, tout n’était qu’harmonie et bienveillance: Chaleureux.
Ça me rappelait l’école certainement aussi peut-être, ses rites, bien que comme nous l’avons vu auparavant, je n’ai été « bonne élève » que de manière très cyclique. Jamais en continu en tous les cas, l’idée même de « ce comme il faut » m’exaspérant profondément à vrai dire. Au Lycée cela sera pire, car en gros, mis à part quelques cours, je n’ai pas aimé du tout.
Toujours est-il que dès lors, je ne raterais jamais aucune messe pour tout l’or du monde. Et cela me poursuivra jusqu’à mes 28 ans, lors de mon départ en Allemagne, où là, je n’ai plus jamais retrouvé une communauté qui me comblait, me faisait du bien.
Par ce biais puis plus tard, par celui de l’aumônerie du Lycée de ce faubourg chic où je ne resterai qu’un an, mais y ferai ma première communion puis « communion solennelle », je développe un certain mysticisme (pas très étonnant diraient certains). En tous les cas, l’Église me donne une identité. Une « contre identité » ?
Je lis beaucoup de « vie de Jésus » et de « vie des Saints » et développe plus particulièrement une très forte intimité avec Thérèse de Lisieux qui devient une sorte de modèle et dont je rêve de suivre les pas. Tout comme elle, je « brûle » d’amour pour le Christ ( !) et souhaite moi aussi entrer dans un Carmel ( !). Un jour, en vacances chez une autre Tante, institutrice dans un village de campagne et pure républicaine soit laïcarde, quand suite à une de ses questions certainement sur mon « avenir » ou je ne sais quoi, je le lui dis, elle en tombe presque par terre et n’en croit pas ses oreilles. Pour elle, cela doit être le comble du blasphème ! Paradoxe.
Toujours est-il que je continue d’abasourdir mon entourage, car quand je fais ma première communion, pour cadeau je demande une bible illustrée et un crucifix, soit me refuse à tous cadeaux profanes. Rebelotte pour ma communion solennelle. Là, je me souviens aussi très bien avoir beaucoup pleuré car ce fut l’année où pour des raisons de sécurité, les filles ne durent plus porter de « voile » de petite mariée. Rions!
A cette occasion quoi qu’il en soit, et alors que mes parents ont invité cette fois et comme il se doit le ban et l’arrière-ban de mes proches concernés dont cette Madame Maria déjà évoquée, je recommence avec mon refus de cadeaux profanes et réitère avec la demande d’une croix en or pour ma chaîne de baptême cette fois.
Tout le monde trouve cela légèrement ridicule, ou disons exagéré, mais s’exécute, ne manquant pas cependant de sacrifier aux éternelles montres et autres gourmettes de circonstance.