A défaut de pouvoir en finir avec cette pandémie de Covid qui sévit depuis près de deux ans maintenant, toujours repart ou jamais ne s’arrête, avec ses confinements, déconfinements et reconfinements, finissons-en du moins avant la fin de l’année avec Napoléon, qui, comme je l’ai déjà expliqué il y a quelques posts passés, fait ici crier dès que vous prononcez son nom.
Les soirées étant souvent longues par les temps qui courent et les occasions de contacts diminués, à l’instar de tout un chacun on a donc découvert les séries. Et les docu-fictions en tous genres.
Du coup, il y a quinze jours, avant l’instauration de nouvelles restrictions, je me suis dit : « tiens, regardons donc celui que propose Arte en ce moment sur la guerre franco-allemande de 1870 ». Il n’était pas de très bon goût à mon sens, mais peu importe car encore une fois j’ai pu y apprécier la « haine » qu’une certaine Allemagne d’alors vouait à la France à cause donc de tous ses Napoléon (le n°1 et 3). Vous y voyez en tous les cas le Chancelier Bismarck et le futur Guillaume II de Prusse (celui qui déclara la guerre en 1914), mettre tout en oeuvre pour battre définitivement cette foutue « grande Nation » et, accessoirement, réaliser l’unité allemande sur son dos, en l’humiliant copieusement dans la galerie des glaces de Versailles.

Vous me direz : oh les « s… ».
Oui, sauf qu’à l’époque, on en est pas encore à toutes les autres guerres et humiliations et contre humiliations qui s’en suivront, et qu’au banc des accusés du XIXème, c’est bien le CORSE que l’on retrouve.
Pourtant, à l’origine, de notre point de vue, nous n’étions pas les agresseurs. Dès 1792, les guerres menées contre les coalitions d’Europe centrale et de l’Est visaient à défendre la France et les acquis de la Révolution contre la tyrannie des monarchies d’ancien-régime. Certes.
Et quand, en 1803, un « Recez d’empire » (romain germanique) entérine, sous la houlette d’un Napoléon qui n’est alors que « Consul à vie », la reconfiguration de la carte de l’Allemagne, c’est plutôt une sorte d’admiration qui l’emporte face au « génie de la rationalisation » des français qui depuis longtemps occupent la rive gauche du Rhin. Pour mémoire, ses 3/4 de principautés éclésiastiques seront sécularisées, 350 petits territoires féodaux et la plupart des villes libres d’empire médiatisés (fusionnés). La Prusse ayant déjà été neutralisée en 1795, ce sont alors surtout les états du centre et du sud qui font l’objet de cette vaste opération de remembrement. De plus gros territoires font ainsi leur apparition où, parfois, mais pas toujours, sont appliqués les principes républicains (abolition des privilèges, du servage, émancipation des juifs, entrée en vigueur du Code civil). Certains sont même élevés au rang de Royaume, ce qui n’est pas pour déplaire aux dynasties locales, loin s’en faut. On estime ainsi que la Bavière et le Bade par exemple se retrouvent 10 fois plus grands et populeux qu’auparavant. Objectif : créer des Etats tampons contre la Prusse, l’Autriche et la Russie. Admettons.
Problème, parallèlement, Napoléon a repris la guerre contre l’Angleterre et, pour faire la nique à ses voisins du continent, se fait couronner lui-même Empereur en 1804. Forcément, l’Autriche qui se sent par ailleurs menacée par les nouveaux Etats du sud, se réangage alors dans un conflit contre le « français » et « échoue » à Austerlitz…
Suivant l’adage qui dit, il faut battre le fer tant qu’il est chaud, Napoléon instaure alors un blocus continental contre l’Angleterre et crée pour asseoir sa suprématie en Europe centrale, la Confédération du Rhin en 1806. Sorte d’OTAN avant l’heure, soit alliance militaire sous la protection de Napoléon, celle-ci rassemble à ses débuts seize Etats allemands (30 en 1808) qui se dissocient du Saint Empire Romain Germanique, signant par la même son arrêt de mort.

L’Autriche vaincue, c’est cependant alors au tour de la Prusse de se rebeller. Elle échouera aussi à Iéna (1806), puis, avec la Russie, à Eylau et Friedland (1807).
Cela vous dit quelque chose ? Même si l’on n’est pas « fan » de Napoléon, on a tous quelque peu en tête ces noms de « victoires » à la gloire desquelles des monuments parisiens tels l’Arc de triomphe ou la tour de la Place Vendôme se font les échos.
Pourtant, on se demande de quelles « victoires » il s’agit vraiment ?
En Allemagne, ces guerres eurent un coût terrible.
En termes de morts sur les champs de batailles tout d’abord. Austerlitz ? 15.000 morts côté Autriche. Eylau ? près de 30.000 morts et blessés côté Russie et Prusse (30.000 côté français). Et là, j’ai en tête le souvenir aigü d’une exposition organisée il y a quelques années à Bonn. Intitulée « Napoléon et l’Europe : Rêves et traumatismes », elle consacrait effectivement de nombreuses salles aux traumatismes vécus par les soldats et populations civiles.
Lors de sa dernière campagne de Russie (1812), parce que celle-ci refusait justement de se plier au blocus continental, Napoléon engagea près de 700.000 soldats dont 450.000 français, le « reste » étant des alliés dont 90.000 allemands!
Tous ne franchirent pas le fleuve frontière du Niemen, mais sur les 440.000 qui firent l’Aller, moins de 100.000 eurent droit au retour. Affreux.
Economiquement ensuite. La défaite de la Prusse en 1807 lui vaut l’amputation de la moitié de son territoire et l’obligation de payer des réparations de guerre (tiens tiens, déjà…) ainsi que des frais d’occupation faramineux. Concrètement, sur fond de blocus continental donc de blocage des importations anglaises, la fin du règne européen de Napoléon signifiera surtout misère et famine.
Du coup, on passe de l’admiration à la crainte puis à la haine.
D’autant qu’évidemment, la censure règne.

Quoi qu’il en soit, la défaite de Napoléon en Russie et la « Bérézina » (nov. 1812), redonnèrent des ailes aux Allemands, aux Russes et aux Autrichiens, qui, une dernière fois s’allièrent pour bouter le Tyran hors de chez eux.
Dès mars 1813, la Prusse redéclare la guerre à la France, rejointe rapidement par l’Autriche. Ici, on appelle ces levées en masse « les guerres de libération », et c’est à cette occasion parait-il que serait né le drapeau allemand, ses couleurs étant en fait celles du costume du bataillon des Corps francs étudiants de Lützow (noir, rouge, or).
La défaite finale de Napoléon eut lieu à Leipzig, en octobre 1813, durant « La bataille des nations » (enfin pas du peuple) et dont on peut « admirer » le mémorial dans la ville du même nom.
Ce qui est intéressant de constater : lors de ses deux abdications, les puissances « alliées » ne punirent pas véritablement la France, soucieuses de ménager le retour des Bourbons, restaurer certes « l’ordre ancien », mais aussi établir une sorte de « balance of power » en Europe.
De notre côté du Rhin, le culte de Napoléon se perpétua cependant bien que l’on estime à entre 800.000 et 1,3 millions le nombre de morts français occasionnés par son « épopée ».
Pour ne pas dire : mit trés trés longtemps à s’éteindre. Ainsi, on dit qu’Albert Dieudonné, interprète de l’empereur dans le célèbre film d’Abel Gance de 1927, se prenait à la fin de sa vie pour sa réincarnation. Il parait également, que dans les hopitaux psychiatriques, longtemps il y eut beaucoup de répliques vivantes du corse mégalomane (CQFD ?). En tous les cas, ce qui est aussi certain, est que cette idolâtrie peut vraiment faire commettre des folies. En 2019, à l’issue de la reconstitution d’un bal empire, le plus grand spécialiste russe de Napoléon a ainsi assassiné son étudiante et amante de 40 ans sa cadette. Puis découpée en petits morceaux.



Non décidément, Napoléon n’est pas ma tasse de thé.
*Discours à la Nation allemande, 1807