Angela, Ade

Le Week end prochain, cela est sûr : Angela (Merkel) ne sera plus Chancelière de l’Allemagne (parce qu’elle ne se représente plus). Ou alors par intérim, le temps qu’une nouvelle coalition, dont on ne connait pas encore la couleur, négocie son contrat de gouvernement, ce qui pourra durer, des semaines, voire des mois…

Je ne sais pas quoi en penser.

Depuis deux semaines, la presse intrenationale ne cesse de l’encenser. Dont le Nouvel Ob’s, que l’on ne peut pas accuser de flatteries, et qui donc lui écrit un hommage appuyé.

Angela ?

Pour nous, elle restera sans conteste celle qui aura en 2015, accueilli plus de 1,5 millions d’immigrés des Balkans et du Moyen-Orient, sauvant par la même l’honneur de l’Europe en berne.

Pour le reste ?

J’aime à montrer à mes étudiants ce montage de photos du couple franco-allemand, où, invariablement, elle est là, « enterrant », les uns après les autres, nos illustres présidents français.

Car Angela Merkel, c’est ça. Une force passive encore plus exemplaire que celle d’Helmut Kohl.

Rien n’a jamais pu la faire dévier des réformes entreprises par son prédécesseur G. Schröder (notamment en ce qui concerne le marché du travail, trés libéral), qu’elle a maintenues et approfondies sans faillir, laissant derrière elle une économie stable, pour ne pas dire florissante, en situation de quasi plein emploi. Rien n’a jamais pu la faire dévier de la défense des intérêts allemands à l’international.

Quand tout le monde s’excitait, elle restait calme, et attendait.

Visiblement, et comme le confime la presse internationale ces derniers temps, cet attentisme n’était pas qu’une question de « tempérament », mais une méthode appliquée sans sourciller : attendre, jusqu’à ce que tout ait été dit, tout évalué, analysé sous toutes les coutures, jusqu’à ce que les autres se soient épuisés et empêtrés dans leurs déclarations. Et sur le coup de la nécessité (les bonds européens compte tenu de la pandémie), ou de l’opportunité (la catastrophe due à Fukushima, la Syrie), décider au dernier moment, coupant ce faisant souvent l’herbe sous le pieds des opposants.

En jargon politique, cela s’appelle « la démobilisation asymétrique ».

Trop bien ! En plein « jeux de la Dame ».

Cela n’est pas très « glorieux » (pour les femmes dans son pays, elle n’aura, elle, jamais rien dit et fait de digne de ce nom, si ce n’est laisser ses « subordonnés » régler le thème pour elle) et manque certainement de vision.

Mais fait preuve d’un sens tactique et d’une endurance sans nom.

Angela, plus que quiconque, parlementarisme et fédéralisme obligent, était rompue aux négociations sans fin et à la recherche d’équilibres improbables.

Aujourd’hui, dans son parti cependant, c’est le VIDE absolu. Personne n’a réussi à lui tenir tête ni à lui survivre vraiment, et le candidat de l’union à la Chancellerie – A. Laschet – , outre qu’il accumule les gaffes, n’est plus que le pâle reflet d’une CDU/CSU à bout de souffle après 16 années de « merkelisme ».

Le temps de changer, donc. Certainement.

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« Je me parle en français dans ma tête, pour ne pas être critiquée ».

Comme déjà dit, cela était il y a 3 mois, dans une EHPAD du quartier, auprès d’une femme française de 85 ans, finissant ses jours ici, dans un un faubourg obscur de Francfort (sur le Main). Cela m’avait beaucoup choqué à l’époque.

Parce que je ne voulais pas me l’avouer.

Mais c’était la vérité.

Ô combien !

Cela n’est pas dans mes habitudes d’encenser les Français, mais là, un séjour d’une semaine à Paris, m’a rappelé combien la vie est douce en France ! Vive les « small talk », la politesse et courtoisie !

  • mes ami.es, de toujours, fidèl.es parmi les fidèl.es, et toujours aussi gentil.les et généreu.ses.
  • le type de la réception de l’hôtel qui, si peu qu’on lui parle et s’intéresse à lui, vous accorde tous les « passe droits » que vous voulez ! Internet : pas de problème ! Restez donc demain au delà de 11 h !
  • le serveur du bistrot, qui, voyant Sophie pleurer, lui apporte un dessert « gratuit » pour la consoler
  • le gardien du musée, qui, en douce, nous file des tickets gratuits parce qu’on a oublié de s’enregister sur Internet
  • le petit jeune du foyer qui, alors qu’on arrive pas du tout à le « remettre », nous explique ses courses de chez Aldi, et tous les bonus engrangés
  • la responsable du foyer, qui quand on lui demande si on « peut repeindre la chambre », nous répond « OUI !!!!, faites !!! » (Certes ! Cool pour eux ! En Allemagne cependant, cela serait STRICTEMENT INTERDIT, sauf si demande + Formulaire et devis donné : délai d’attente égal 3 mois minimum)
  • la RATP qu’on voudrait presque embrasser parce qu’elle fonctionne et n’est pas chère ! 20 euros la semaine pour tout Paris, on croit rêver, quand ici, au delà de 4 stations, il faut payer près de 4 euros par tiquet.
  • Et ces cafés, ces terrasses, toujours bondés !Oui, Paris est une « fête », quand on a, bien sûr, les moyens de se la payer !

Donc, je reprends, pour expliquer pourquoi quand on est étranger dans un pays, en général on ferme sa « g… » (dans 90 % des cas), pleure parfois/souvent en silence et pour soi, nostalgique d’autres moeurs et coutumes. Fatiguée d’être rabrouée, pour ce qui fait au delà du Rhin le charme de sa culture, ici des comportements la plupart du temps réprouvés.

Que l’on soit en Allemagne ou ailleurs, importe peu à vrai dire, puisque c’est le « vécu » assez banal finalement de tout immigré, qui, bien que l’on encense sans cesse l' »interculturel », la tolérance et réciprocité, se voit dans les faits sommé de s’intégrer et d’adopter – à sens unique – la culture de son pays d’accueil.

Mais en l’occurence, dans le cadre des fameuses « relations franco-allemandes », il est quand même crasse de toujours constater, que, dès que vous passez le Rhin, c’est « Schluss » avec la compréhension des modes de fonctionnement français!

Je n’ose imaginer comment je vivrais si j’étais une femme turque ou afghane !

Quel modèle allemand ?

1/ On va commencer par éliminer le plus simple, à savoir la notion de « femmes » justement puisque que comme j’habite aussi depuis 25 ans dans le pays « leader européen de la discrimination féminine » derrière la Pologne et la Hongrie, je pense qu’il n’est plus besoin de rabâcher, et ennuyer les oreilles des gens civilisés.

Rappelons cependant que jusqu’en 2008 – année où elles ont eu le « droit » (devoir) de travailler en cas de divorce pour payer la pension de leurs enfants alors qu’il n’existait à l’époque pas d’écoles maternelle ni primaire dignes de son nom – les femmes n’étaient rien, ou presque. Comme en Suisse actuellement, où, après des années de discussions, on vient enfin de leur accorder un congé maternité (!).

2/ Reste maintenant « française ». Et c’est là que cela se gâte. On pourrait dire aussi juste « français ». Cela reviendrait au même, vu le mépris certain que l’adjectif provoque.

Mépris ? Oui, vous avez bien lu.

Un dicton dit « les Allemands aiment les Français mais ne les respectent pas. Les Français respectent les Allemands mais ne les aiment pas ». Je crois, sorry, que cela est assez vrai.

Les Allemands, aiment bien les Français (« gentils », « rigolos », « bonne baguette, bons fromages, vins et bonnes tables » etc….). En AUCUN CAS ILS NE LES RESPECTENT puisqu’au mieux ils sont accusés d’être arrogants, de se la ramener toujours avec leurs « grande nation ». Au pire et plus profondément, ne peuvent pas être pris au sérieux car trop « beaux parleurs », « passant du coq à l’âne », n’ayant pas une démarche « analytique », « versatiles », « dépensiers », « mal organisés », « nains industriels » etc…

A contrario, en France, il est de « mode » de s’extasier sur le « modèle allemand », sans jamais vouloir voir ce sur quoi il est basé (entre autre l’Euro, tout bénéf):

  • Au début de la pandémie, on a loué le fédéralisme allemand, son art consommé de la culture du consensus et son principe de subsidiarité face à une France centralisée et quasi autoritaire dans sa gestion de la crise sanitaire. Quelques mois plus tard cependant, ce même fédéralisme était mis au banc des accusés et détourné par une loi ad hoc, car ingérable justement en temps de « crise »!
  • Car les palabres à n’en plus finir pour tout et rien, les Allemands connaissent bien! Cela peut être vraiment de l’ordre de la logistique « minus » 200 : les enfants ont-ils besoin de PQ dans les toilettes de l’école? Ces toilettes doivent-ils être propres et comment ? S’en suivent X heures de discussions, des suggestions d’engagement de la part des parents (pour nettoyer les toilettes donc, repeindre les murs des salles de classe, accrocher des rideaux ou réparer les prises électriques) des protocoles, pour parvenir à je ne sais quel « compromis », tout de suite mis à mal parce qu’on se rappelle alors, que, pour des raisons d’assurance, et même, c’est bien du ressort de la municipalité ! On en hurle presque (et passe de ce fait pour une quasi hystérique. C’est du vécu, du vrai, du pur de dur !!!!).
  • On ne bouge pas et attend de voir ce que font les autres ! En vertu de son « bon positionnement » industriel, et des euros pas « chers », on ne fait « rien », si ce n’est suivre sa politique déflationniste pour équilibrer son budget. D’une manière générale, les allemands défendent d’abord leurs intérêts et attendent TOUJOURS, de voir ce que vous aller faire, pour se positionner. 16 ans après le premier mandat de Merkel, il a fallu la pandémie du COVID pour qu’enfin, les économies européennes étant proches de s’effondrer, l’Allemagne accepte un plan de relance !
  • les femmes au foyer : ça c’est depuis 2010 nettement amélioré. En 2021, le nec le plus ultra étant que les enfants de 6+, ont droit à une place d’école « toute la journée », histoire de ne pas glander devant leurs écrans (dans les familles non « bourgeoises / bobos » où Maman, ne joue pas les hélicoptère pour tout et rien) durant l’après-midi. Mais quels dégâts sociétaux sur des décennies !

On passe !

Les théories climatiques et autres approches culturelles

Là, je ne me rappelle plus très bien, quel est le premier « penseur » qui a voulu expliquer les moeurs par le climat. Aristote, n’est-ce pas? Suivi et amplifié par Montesquieu au XVIIIème siècle.

S’agissant des relations franco-allemandes, la liste des théoriciens ayant essayé de comprendre nos voisins est longue !

  • On commence par Montesquieu donc.
  • Mais surtout par Madame de Stael et de son « De l’Allemagne » au début du XIXème siècle, qui est plein de ce que l’on appelerait aujourd’hui des « clichés » et « préjugés », mais recelle aussi de trésors effrayants quand on pense à ce que devint l’Allemagne sous le nazisme (Qui, non, n’était pas un « accident ».). RDV au prochain n°.
  • On pense à Max Weber naturellement. A la différence qu’il fit entre « Gesellschaft » (La France, des citoyens, s’accordant par un contrat) et « Gemeinschaft » (l’Allemagne, des sujets, soumis à la collectivité) et repensa les différences de rapport au pouvoir et à l’économie entre les catholiques et les protestants (« L’éthique du capitalisme », passionnant).
  • Plus près de nous, on pense à E. T. Hall, naturellement, le père des études interculturelles, et de sa distinction entre les sociétés à « haut contexte » (Le Japon par exemple, ou la France, où les implicites, fruits d’une culture commune trés ancrée, dominent ce qui fait qu’on est indirect), et les sociétés à « bas contexte » (où tout doit être dit cash, faute de quoi on ne se comprend pas). Sans compter des rapports à l’espce et au temps différents qui font que les Français seraient dit « polychroniques » (faisant plusieurs choses en même temps), quand les Allemands seraient « monochronique » (faisant une chose après l’autre).
  • ou encore à Emmanuel Todd, intellectuel du XXième siècle, germanophobe certes pour avoir perdu une partie de sa famille dans l’holocauste, mais qui a essayé, sur la base des systèmes familiaux, d’expliquer la puissance allemande, en regard de ses voisins européens, et tire des conclusions troublantes à force d’être vraies (https://www.herodote.net/Histoire_de_familles-article-82.php ).

etc etc…

Amour vs respect et vice versa ?

Dans le concret, cela donne cependant ce genre d’incidents au quotidien.

Les exemples sont tirés d’un document de l’Université Franco-allemande, sise à Saarbrück, organisme on ne peut plus bilatéral et officiel, « pionnier » dans les relations franco-allemandes et interculturelles, donc, qu’on ne peut pas soupçonner de « conversations de bistrots », soit de non scientificité :

Et de « 1 » : ce que les Allemand pensent de nous, je vous le laisse deviner ! Pas du bien ! On est imprévisibles, versatiles, dit n’importe quoi tout le temps, parle trop, peu fiables !

Ce que les Français pensent des Allemands, je vous le laisse aussi deviner : psychorigides, incapables de penser « au delà » du bord de leur assiette; inflexibles même quand ils se trompent, se cachant derrière les « accords » et le « système » etc…

Et de « 2 » : je précise que « choses » en allemand, veut dire « non émotionnel ».

Cela n’a strictement aucun rapport avec le fait que les choses soit « objectives » ou non. Vous pouvez mentir, raconter n’importe quoi, livrer des « juifs » puis des « kilos de blés » (voir les « Souvenirs » de Beate et Serge Klarsfeld; https://www.amazon.de/Erinnerungen-Beate-Klarsfeld/dp/3492057071 ) : cela n’est pas « grave », tant que vous maintenez le « ton ». Que « formellement » vous dites « cher Monsieur, veuillez trouvez ci-joint… »

Outre-Rhin, être « sachlich » est devenu une sorte de Mantra employé à toutes les sauces, même quand les faits contredisent parfaitement les affirmations.

Mais l’important, c’est de respecter la forme, les procédures et les « accords » conclus.

Ce qui protège les individus d’ailleurs, puisque leur otant une grande partie de responsabilité personnelle, notamment quand des « zones d’ombre » subsistent où personne ne se hasarde alors à prendre position.

Pour autant, cela ne devrait pas empêcher de dire « bonjour », « merci », « au revoir », de s’enquérir gentiment du bien être des autres ou de prendre à la « légère » le fait que vous avez changé 3 fois de places dans un bistro parce que, à l’invitation du serveur lui-même « avec l’avenue, c’est trop bruyant ».

Merci Paris !