Depuis des décennies j’ai une merveilleuse amie qui s’appelle Claire et, entre tant d’autres choses que j’aime chez elle et ce pourquoi jamais je ne saurais assez remercier ses parents de l’avoir mise au monde, pratique « en chantant », si, si, et sans le savoir, les relations franco-allemandes. Avec un petit ou grand « r », peu importe..
Car Claire chante en effet et comment ! La musique est sans conteste sa passion depuis toujours, passion à laquelle contrairement à moi, elle s’adonne aujourd’hui plus que jamais. A Clamart le plus souvent, sa quatrième ou cinquième patrie après quelques années de bourlingage et de vie.
Mais aussi parfois outre-Rhin, par le biais d’un jumelage avec une chorale de Marburg, petite ville typiquement allemande située à l’est de Francfort sur le Main.
Depuis toujours ?
Oui, c’est certain car quand je l’ai rencontrée il y a fort longtemps, soit toute jeune fille encore (!), elle était déjà possédée par les rythmes en général.
Ceux de la musique classique et de son répertoire pianistique de l’époque. Un de nos grands moments ensemble ayant d’ailleurs été sans conteste un voyage en Espagne ou entre deux « ça va ? » de ma part du fait de la chaleur torride, nous pûmes surtout assister, un soir d’été à Madrid, à un concert en plein air de sa professeure attitrée. Quel souvenir inoubliable !



Ceux des chansons à texte ou de la variété bien de « chez nous » qu’elle interprétaient alors dans les rues parisiennes encadrée par deux de ses copains qui reprennent facilement du service quand on leur demande.
Par les rythmes africains surtout.
Ceux qui l’avait bercée de ses un an et demi à il y avait peu encore jadis et ne cessaient de pulser profondément en elle. Car Claire en effet, et comme il semble m’en souvenir, tous ses frères et sœur (4 au total), avait grandi à Abidjan, en Côte d’Ivoire, ville et pays où les avaient transportés « momentanément » l’activité professionnelle de son père, sa mère, pédiatre, se consacrant alors à ses enfants et bénévolement à tous les autres qui leur étaient immédiatement proches où qu’on lui apportait.


Ce « momentanément » dura cependant quand même bien plus de quinze ans et fut bien sûr crucial, car aujourd’hui encore, il suffit de dire le mot « Afrique », ou disons plutôt « Afrique occidentale » comme elle le précise, pour voir les yeux et le sourire de Claire s’épanouir sur son visage et sentir son âme commencer à s’évader vers cet « ailleurs » fait de balafons, djembés, koras… De marchés gouailleurs et de riches couleurs que l’on ne connait pas mais où on peut tenter d’essayer de la suivre en s’accrochant à sa luminosité et quelques photos en noir et blanc ou « colorées » « décolorées » de ces « temps d’alors », qui semblent, en famille, respirer le bonheur.
Oui. Le bonheur. La générosité en tous les cas, l’ouverture d’esprit, la bonté et bienveillance, l’espace quoi, toutes choses, qui alors que nous n’étions pas encore ou déjà plus étudiantes à Sciences Po lui faisaient certainement oublier inversement le côté étriqué de notre vie parisienne et de ce pour quoi on nous destinait. Pas assez « à côté ».
Durant toutes ces années de jeunesse, et pendant de nombreuses autres d’ailleurs, on profita de ce bonheur « musico-familial », seule, en bande ou plus tard en couple avec enfants, dans son studio, l’appartement parisien de ses parents, ou leur maison en Normandie. Dans ce tout au bout de la France où elle est née, sa pointe, là où comme elle aime à le répéter, règne un «micro-climat» profitable aux espèces florales et herbacées de toutes sortes mais où surtout, pour moi, souvent rugit le vent et claquent les vagues contre les falaises, rochers et digues des ports.
„Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?“
Mais, non, pas du tout !
Cela était formidable ! Et j’ai en tête, toujours, les parents de Claire, nous accueillant, quels que soient notre nombre et configuration, à bras ouverts, pour ensuite, s’effacer discrètement par derrière, retrouver peut-être Thérèse, sœur, belle-sœur tout autant affable, et laissez place et quartier libre à nos enthousiasmes musicaux et autres.
Et cela l’est toujours. Je le sais.

Entre temps, certes nous avons tous vieilli, certains s’éteignent ou se sont éteints, les bandes dissoutes ou recomposées, les enfants ont grandi… Mais la ferveur musicale, de même que la bonté et générosité elles, ont été transmises aux autres générations et sont toujours bien vivantes..
Ici et là.
Ici, pour Claire, c’est Clamart (aussi bien que Vezoul) naturellement, notamment avec son mari ainsi que ses enfants, filles en particulier, et « surtout » (je me permets de dire « surtout » !) la chorale Vineta qu’elle a rejointe il y a quelques années et sans laquelle elle ne pourrait tout simplement pas vivre.
Il suffit de la voir (ou disons, ne plus la voir, car elle est déjà partie), une veille de WE, préparer l’air gourmand son sac et les provisions qu’elle a dit et promis qu’elle apporterait, pour comprendre combien tout cela lui procure une joie profonde. La joie.
Au programme*, des chansons venues de partout et de tous les répertoires, une équipe motivée et un chef engagé, qui, en pleine pandémie Corona fut, le semestre dernier (on attend «la suite » malheureusement), un des premiers à monter sur le net des « symphonies » online ! Répétitions via zoom assurées.
Il fallait avoir du culot, de l’ardeur à revendre pour savoir motiver ses choristes, jusqu’à plus de cent, et réussir à produire, sans jamais être vraiment « ensemble », si ce n’est à distance, un choral où les voix malgré tout sont parfaitement ajustées entre elles, savent s’écouter et s’harmoniser.
Là, je veux dire ce côté-ci du Rhin, ou, itoo, si les rencontres avec le groupe « Hessen Vokal» de Marburg ne pouvaient/peuvent plus se faire, qu’à cela ne tienne, elles se font sur le Web, ce qui est l’occasion pour Claire de retrouver alors une de ses choristes, qui parfaitement bilingue pour avoir longtemps vécu en France est, depuis le temps qu’elles pratiquent ensemble, devenue aussi une de ses chères amies. Merci Corona a-t-on presque envie de dire.
Le monde est petit me direz-vous aussi, c’est souvent ce que je constate effectivement. Il est aussi plus joli, sans vouloir parodier qui vous savez, en chantant.