Gender Gap : le pays qui aimait les femmes (Suite et fin, cela m’ennuie…)

Ames sensibles, s’abstenir ! Pour conclure cette série consacrée à la condition féminine en Allemagne et qui explique son mirifique classement en la matière, ne reste en effet plus qu’un Gender Gap à aborder, à savoir celui de la violence faite aux femmes. En novembre dernier, et à l’occasion de la journée internationale consacrée à ce même thème, la presse outre-Rhin en a beaucoup parlé. La faute à #metoo certainement.

Oui, bien sûr. Et tant mieux, car ce sujet, bien trop peu traité, est aussi empreint de beaucoup d’idées reçues que cette année le rapport pourtant annuel en la matière a fait voler en éclats.

Non pas qu’en valeur absolue, les violences faites aux femmes outre-Rhin soient plus importantes qu’ailleurs. Ainsi, en 2017 près de 140 000 cas de violences domestiques ont été recensés, contre 219 000 en France (à population moindre), 80% de celles-ci étant dirigées comme toujours vers les femmes, ce qui s’est conclu pour 147 d’entre elles, par … leur décès.

Dans ce cadre, il est cependant fort à parier que les chiffres soient bien plus élevés, car en Allemagne et contrairement à la France, il n’existe strictement aucun cadre légal protégeant les femmes de toutes les sortes de violences, hormis celles qui se terminent avec un gnon bien bleu dans la figure, et ce, depuis 2002 seulement.

Une de mes voisines en a fait les frais pendant longtemps avant qu’elle ait le courage de se rebeller. Trop bien. Ici comme partout ailleurs, 20% seulement des femmes qui sont agressées osent se manifester.

Surtout, ce qui a choqué l’année passée, c’est de se prendre en pleine figure, que NON, ce n’étaient pas les immigrés qui battaient leurs femmes, et que NON, ce n’était pas non plus le fait des catégories sociales les plus défavorisées. En vrai, 68% des violences domestiques sont le fait d’hommes allemands « blancs » comme dirait E. Zemmour (quelle référence !) et traversent toutes les catégories sociales.

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Dans ce pays qui se targue de sa prospérité et pensait être arrivé à un degré avancé « d’égalité » entre les sexes, ce fut… une sacrée « gifle » naturellement.

Certes, on constate bien sûr des corrélations entre le statut social, le niveau d’éducation, l’emploi exercé et les « faits », mais ceci est surtout vrai quand les femmes sont encore jeunes. Plus elles vieillissent en revanche, plus les violences s’exercent contre les catégories sociales plus élevées et redoublent en cas de séparation ou de divorce.

En cause : le fameux modèle allemand justement ! Celui qui depuis la nuit des temps, pour des raisons anthropologiques (entre autres religieuses) et au-delà du « Papa travaille et Maman s’occupe de la maison » d’Adenauer, conditionne profondément les comportements masculins outre-Rhin.

Habitués à être servis depuis leur plus tendre enfance par la gente féminine (au foyer donc), qui, pour partie obligée ou consentante (voir les autres articles), les maintient ainsi dans leur rôle de « patriarche », certains hommes allemands ne supporteraient pas de voir leurs femmes autres que sous forme « d’objet » donc encore moins de prendre leur indépendance. S’en suivent toute la batterie des attitudes misogynes et souvent « invisibles » que l’on peut donc imaginer : indifférence, contrôle financier, de l’emploi du temps et des contacts sociaux, propos sexistes, menaces en tous genres, intimidations, chantage affectif jusqu’aux… coups donc et, ultime étape, le féminicide ! Bah ! Quel pays !

La Ministre en charge du dossier, a promis de faire « quelque chose ». Quoi et quand, cela reste ouvert, car en ce moment la grande coalition dirigée par Me Merkel, bat toujours plus de l’aile et avant les prochaines élections, il est plutôt à parier que rien ne sera fait.

Quoi que.

Cette année, le Land de Berlin, du moins (il y en 15 autres), a fait du 8 mars, un jour officiellement férié. Pour fêter aussi le centenaire du droit de vote des femmes outre-Rhin.

C’est déjà ça ! En France, ne l’oubliez pas, cela ne fut qu’en 1945 !

 

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Gender Gap : le pays qui aimait les femmes (2)

Oh ! Ah ! Quand il s’agit de parler de natalité outre-Rhin, il convient de changer d’interjection chaque année. Une fois l’espoir revient, comme en 2016, quand fièrement les journaux purent annoncer que l’Allemagne avait battu ses records de fécondité avec un taux de 1,59 ayant rattrapé celui de 1970 (!).

Une autre fois, il retombe, comme l’année passée, le même taux étant descendu à 1,56, voire à 1,46 si l’on ôte les naissances redevables aux femmes issues de l’immigration. Bref, rien de vraiment neuf sous le soleil.

Pire, à terme, il y a peu de chance que les choses ne s’arrangent, et le taux de mortalité étant bien plus élevé que celui des naissances, l’Allemagne va donc continuer à voir sa population baisser, l’immigration dans ce contexte, n’étant pas qu’humanitaire, mais aussi et tout simplement nécessaire.

Raisons de cette situation : un autre Gender Gap, à savoir l’absence de modalités correctes de garde d’enfants, qui, parallèlement au reste, font entrer les femmes dans un cercle vicieux dont elles ne peuvent que difficilement sortir.

Certes, en la matière, les choses se sont améliorées.

Il y a vingt-cinq ans en effet, il n’existait en Allemagne tout simplement RIEN pour les moins de trois ans, pour la maternelle cela n’était pas sûr, et puis à partir de l’école primaire quoi qu’il en soit et jusqu’au bac, les enfants avaient cours jusqu’à 13 h de l’après-midi.

Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Les places en maternelles sont garanties (!) et l’école toute la journée a été peu à peu introduite, notamment pour pallier les inégalités sociales. Mais les déficits sont encore énormes, notamment pour les tout petits et ce surtout dans les anciens Länder qui culturellement ont du mal à sortir de leur « Papa travaille et Maman est à la maison ». A l’Est, ils ne connaissent en effet pas ou moins le problème, car sous le communisme les femmes ont toujours travaillé et fait garder leurs enfants. Les structures sont donc restées, quoi que, aux dires d’une amie berlinoise, cela n’est plus non plus le « paradis » que cela fut.

Dans ce contexte, il est aussi alors drôle de constater, que ce n’est même pas la Bavière conservatrice la plus en retard, mais la Rhénanie du Nord Westphalie, pourtant vieux Land industriel soi-disant « progressiste » depuis toujours.

Résultat, qu’elles le veuillent ou non, les femmes sont donc toujours plus ou moins « condamnées » à rester à la maison.

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Qui s’en plaindrait la première année, voire la deuxième ? Personne !

Mais, alors arrive justement le second enfant, et on recommence. Si l’on ajoute à cela les éléments de la semaine dernière, la boucle est vite bouclée.

Concrètement, si le taux d’activité des femmes a beaucoup augmenté ces dernières années, ce n’est qu’au bénéfice des temps partiels voire de la précarité. Ainsi, près de 75% des femmes ayant deux enfants travaillent à temps partiel, contre 89% pour celles qui ont trois enfants (moi, je suis le 11% :-)). Un phénomène que l’on retrouve cependant quand les enfants grandissent puisque près de la moitié des femmes allemandes ayant des « enfants » âgés entre 15 et 17 ans, travaillent également à temps partiel.  Mais donc à double imposition.

Bienheureuses celles qui ont alors des maris au salaire confortable, ce qui n’est naturellement pas du tout le cas de la majorité, l’ensemble conduisant alors à une dégradation certaine de la vie… des enfants eux-mêmes ! On estime aujourd’hui que 21% des enfants en Allemagne vivent dans la pauvreté, entre autres parce que leur mère ne travaille pas, ou pas assez, ou n’est pas suffisamment rémunérée, ou trop imposée. Diabolique !

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Cet état de fait changerait-il avec un système fiscal revisité et des modalités de garde généralisés ? A supposer que les pouvoirs publics en aient les moyens, cela n’est cependant même pas certain.

Car là, on touche à quelque chose qui a des racines anthropologiques profondes et que certains auteurs ont largement étudié. A savoir, que culturellement, les « femmes allemandes » souvent ne peuvent pas s’imaginer une demi-minute ne pas être mère à plein temps. Pour elle, cela relève du sacrilège ou de la maltraitance enfantine. Et ça, cela ne change pas tellement.

Aujourd’hui encore quand je demande à des jeunes femmes ce qu’elles veulent faire plus tard, toutes répondent la même chose. D’abord trouver un travail stable, et après éventuellement fonder une famille. Mais là, les problèmes commencent à vrai dire car elles se sentent si déchirées entre un « tout ou rien » qu’au risque de mal faire, elles choisissent le « rien ». Pire, quand on parle des femmes de l’Est et du fait que, elles, travaillent, elles répondent encore invariablement : « c’est parce que leur mari ne gagne pas assez d’argent ». Enfin, les enfants « ça coûte cher ».

Résultat : à 36 ans, près de 60% des femmes diplômées de l’enseignement supérieur n’ont ainsi pas du tout d’enfant…

 

Gender Gap : Le pays qui aimait les femmes (1)

Le printemps arrive, le ciel s’éclaircit et les oiseaux chantent toujours plus tôt le matin… Le moment parfait pour aller se promener et profiter de la légèreté saisonnière. Sauf que le 8 mars justement, c’est bientôt et que cette année j’ai décidé de fêter la journée internationale de la femme !

Non pas que je sois féministe ! Cette idée ne m’a jamais effleurée à vrai dire, tant j’ai toujours considéré, bien naïvement je dois le dire, que « tous les hommes naissent libres et égaux en droit » etc… Aux armes, citoyens !

Mais outre-Rhin, tel n’est pas vraiment le cas. Alors, pour ceux qui lorgnent encore vers l’Allemagne, s’extasiant toujours sur les vertus de son fameux « modèle », petite explication car la vérité vraie est que ce pays se trouve en tête à l’échelle européenne (ou juste après l’Autriche germanophone, et bien derrière la République Tchèque ou la Pologne !!!!) voire internationale pour ce qui est de la discrimination économique et sociale des femmes.

C’est « systémique » comme dirait l’autre, les six Gender Gap traditionnellement retenus en la matière étant si intimement imbriqués les uns les autres, qu’il est impossible d’en réchapper et qu’on ne sait par où commencer…

Bein commençons par les sous, puisque d’abord et avant tout, il est clair que comme partout ailleurs, à qualification et poste de travail similaires les femmes sont moins payées que les hommes. Rien de neuf, me direz-vous 🙂

infografik_2022_gehaltsunterschied_zwischen_maennern_und_frauen_-_unbereinigter_gender_pay_gap_nmap1, sauf qu’en Allemagne, « corrigé » d’autres variables ou non, l’écart atteint 22%, voire frôle les 40% dans certains Länder de l’ouest, tel la Bavière ou Le Bade (vous allez comprendre plus tard).

Comme dit, la France ne fait pas tellement mieux, donc y a pas de quoi fouetter un chat, sauf que… nous sommes en Allemagne et que… 70 ans après sa création, celle-ci n’a toujours pas changé de système fiscal et qu’en vertu du principe « Papa travaille, Maman est à la maison et s’occupe de la famille», elle impose ces dernières au maximum pour « soulager » le chef de famille. Bon, ça, OK. C’était du temps d’Adenauer, quand les Allemands – disent-ils – craignaient que l’Etat ne récupère les enfants et les endoctrinent dans des institutions publiques.

Mais nous sommes en 2019 et depuis que nous sommes ici, rien, mais strictement rien n’a changé. C’est toujours en « discussion ». Les gouvernements passent, pondent des rapports, repoussent, Me Merkel, bien que femme, n’ayant pas d’intérêt pour la question… Et pendant ce temps-là, les femmes justement, si peu qu’elles soient mariées et pour la plupart donc gagnent moins que leur mari, sont imposées le double. Oui, vous avez bien lu : le double. Effet d’éviction garanti, elles ont encore moins envie d’aller travailler ! Pourquoi faire en effet !

Et si elles le font, pour x raisons, elles ne sont alors pas au bout de leur peine! A supposer qu’elles trouvent des modes de garde corrects, un jour ou l’autre, cela les rattrape. Puisqu’évidemment, moins de salaire, plus d’impôts = moins de retraite. Et alors, là, l’Allemagne, bat vraiment ses propres records, car le résultat de tout cela est que les femmes perçoivent en moyenne, j’ai bien écrit « en moyenne », 53% des retraites masculines… Bah ! Ils l’ont belle les petits coquins !

Moi qui ai à faire tous les jours avec des jeunes vivant en Allemagne, je me demande toujours combien de temps ce pays va-t-il encore pouvoir durer comme cela. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus du tout d’enfants ? Mais ça, c’est une autre histoire, il est l’heure d’aller se promener !