On s’était décidée de partir à Paris la semaine d’avant sur un coup de tête. Pour prendre le large et respirer. Au téléphone, notre correspondante nous avait pourtant dit : « Mais il y a les grèves. Cette semaine, les camionneurs s’y sont mis aussi et les rayons des supérettes sont vides, les marchés ont été annulés ! ». Qu’à cela ne tienne, le besoin étant vital, ce n’était pas les grèves qui allaient nous arrêter et encore moins la SNCF. Nous voilà donc partie. Arrêt en ce lundi 7 mai 2018 sur un pays de cocagne.
Acte 1, vendredi : la SNCF donc
Effectivement, et les français le savent (!) celle-ci fait grève. Perlée la maline. Deux jours sur cinq, jours fériés inclus. C’est très efficace. Impossible à la date souhaitée de QUITTER l’Allemagne et d’ENTRER en France ! L’hexagone semble être un pays aux portes fermées, ce qui à l’heure d’Internet & Co, de l’Euro et je ne sais quoi encore, ne manque pas d’originalité. Quelque peu surréaliste sans compter qu’Air France aussi est de la partie. Heureusement, il y a encore blablacar pour éventuellement palabrer sur la situation et franchir allègrement les frontières.
Sur l’autoroute de l’Est, absolument vide la nuit, en pleine Meurthe et Meuse où défilent les souvenirs de 14-18, sa voie sacrée et le « ils ne passeront pas » de Verdun (si!), des panneaux lumineux nous rappellent à kilomètres espacés : « grèves : pensez covoiturage ». Ah bein, c’est gentil de penser à nous et de nous refiler le truc surtout quand on sait que la SNCF est majoritaire dans le capital de… blablacar. Il parait même qu’en compensation des trains annulés, elle octroie des bons d’achat sur de ladite plateforme. En France on est solidaire il ne faut pas l’oublier.
Sur la banquette arrière, deux jeunes américaines lisent, somnolent et, à l’approche de Paris se réjouissent de plus en plus de cette folle aventure : « It’s so french » !
Acte 2, samedi : les manifs
Toujours insouciante et mal informée, on a donné RDV à une amie vers 15 h 30 Place des Vosges. Celle-ci cependant, ne cesse de nous envoyer des sms.
« Mais il faut que je regarde s’il y a des RER » (ah oui, c’est vrai). « Mais il y a la fête à Macron » (ah oui, c’est…). « Mais ils défilent de l’Opéra à Bastille » (ah oui…). « La place des Vosges, ce n’est peut-être pas une bonne idée » (ah…)
Va pour Beaubourg.
Pour notre part, comme on l’a prévu et que rien ne nous en détournera, on descend quand même à Bastille.
Rien à signaler.
Il fait un temps magnifique et les parisiens, décontractés, sont en goguette. Le boulevard Beaumarchais et la rue de Bretagne fourmillent de monde. Le soleil chauffe, voire tape et les terrasses sont toutes emplies de personnes débonnaires qui profitent de cette arrivée impromptue de l’été en savourant croque et vin blanc. Soudain, à l’approche de la rue Réaumur, un barrage policier.
Oh là là. Ils semblent avoir sorti l’artillerie lourde. CRS en veux-tu en voilà. Casques, boucliers au poing, matraques à la hanche. A ma droite, une rue qui mène
dans le Marais a été bouclée par des panneaux mobiles en fer de 2 mètres de haut. Ça n’a pas l’air de rigoler.
Dans la rue Réaumur, quelques manifestants défilent sur fond de
« Stop Macron »; « Non à la casse sociale »
Sur un « char » et à travers un mégaphone, quelques enragés scandent sur un rythme ternaire :
Melanchon
A la place
De Macron.
En voilà une idée ! Jean-Luc à la tête de la 5ème puissance mondiale cela ferait redémarrer les exportations, c’est sûr. Manque à gagner depuis un mois déjà : dans les 4 milliards d’euros. Pas de quoi fouetter un chat, surtout quand c’est prévu de part et d’autre pour durer jusqu’à fin juin minimum…
D’ailleurs, tout cela reste très épars et bon enfant.
Pas de black blocks en vue, mais des… CRS. Beaucoup. Lunettes noires et visages fermés.
Plus j’avance à rebours rue Réaumur, plus je confirme qu’ils ont entièrement bouclé, grillagé le Marais. La foule de manifestants, elle, grossit aussi, pour atteindre, selon les organisateurs, 40 000 participants. Bientôt arrive la CGT. Drapeau au vent. Vais-je aussi entendre l’Internationale ?
Peu importe, dans les rues adjacentes, d’autres parisiens continuent, comme si de rien n’était, à savourer le soleil et leur déjeuner à des terrasses de cafés.
Un CRS posté souffle à son voisin : « on ne va pas peut être pas s’exciter pour rien ».
Macron quoi qu’il en soit, est en nouvelle Calédonie.
Acte 3, dimanche : comme un dimanche
Ce matin, Paris s’est éveillé pas du tout sonné.
La veille, on avait bien repéré quelques cageots abandonnés sur un bord de trottoir. Mais cela n’était qu’un évènement fortuit.
Ce matin, à l’aube, les éboueurs sont bien passés et ont même vidé les poubelles publiques.
Les boulangers ont boulangé.
Les cafés ont lavé leurs glaces.
Les kiosquiers étalé leurs journaux.
De chienlit, pas de lie.
Seule la radio égrène les catastrophes en cours ou à venir. Côte de confiance du chef d’état, point sur la guerre d’usure engagée avec les syndicats, le calendrier des grèves diverses, prochains rdv sociaux…
Au métro Charonne, sous la plaque commémorative du 8 février 62 et à cinquante mètres de la Belle équipe, les terrasses sont de nouveau remplies. Pour le petit déjeuner cette fois.
Même nonchalance quelques heures plus tard aux abords de la bibliothèque F. Mitterrand où seuls de nombreux étudiants paraissent vouloir rester actifs tandis la plupart de leurs concitoyens farnientent au soleil.
Les banlieusards sont restés chez eux semble-t-il et se reposent, bien que les trains roulent aujourd’hui dimanche.
Ils ont de la chance d’ailleurs, car demain lundi ils rouleront aussi. Mais pas mardi, ni mercredi, mais jeudi oui. Qu’est-ce que cela peut bien faire pour finir, sachant que mardi et jeudi sont des jours fériés. Tant qu’il fait beau, autant pêcher des écrevisses.
Sûr que cela ne laissera pas d’étonner les étrangers. Mais que voulez-vous. Le mauvais temps reviendra bien assez vite. Lundi en huit ?
Quel plaisir de te lire, chère Valérie,
En tout cas, ça semble t’avoir fait du bien malgré l’eclectisme des moyens de transports…
La France reste de plus en plus fidèle à elle-même…
A plus tard peut-être? Ou à demain?
Bises
Agnès