Le bonheur est dans le pré ?

Comme toujours quand notre petit cerveau fait preuve de surcharge cognitive, l’appel du large nous prend, soit en ce qui nous concerne, l’envie irrépressible de revoir sur le champ et dans des champs… des vaches. De rester quelques instants à côtés de ces sociables et placides bovidés pour les regarder ruminer en toute imperturbabilité. Et profiter alors de l’effet apaisant que produit ce mâchement incessant. Aussi, quel ne fut pas notre plaisir, quand en ouvrant le journal avant-hier on découvrit l’affiche du salon de l’agriculture qui se tient depuis le 25 février à Paris.

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Voilà. C’était ça qu’il nous fallait. Une « Fine ». Cette « bretonne Pie-Noir », nouvelle « égérie* » de l’édition 2017 de la célèbre manifestation de la Porte de Versailles, qui grâce au « capital de sympathie » qu’elle éveille immanquablement auprès du public, doit y attirer cette année on l’espère plus de 600 000 visiteurs (et quelques présidentiables). L’idylle quoi !

Alors qu’en esprit on commençait à batifoler dans les près du Limousin, de la Creuse, Nièvre, du Cantal, du Jura et autres belles prairies de France, avec, en arrière pensée, il faut bien le dire aussi, l’idée d’une bonne entrecôte grillée avec du gros sel dans notre assiette… on se mit à surfer, la conscience un peu titillée par d’autres faits récents. D’autant que parallèlement, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, annonçait, lui, en Une ceci : Remords ? Quelle viande ? Combien de viande ? De la viande artificielle ?

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Du coup, ce que l’on savait déjà mais avait voulu oublier s’est effectivement rappelé à notre conscience. Car de facto, l’agriculture et la filière viande se trouvent aujourd’hui dans une situation totalement schizophrénique qui n’a rien du paradis sur terre. De part et d’autre du Rhin, le bonheur n’est pas vraiment dans le pré.

  • Alors que d’un côté, les consommateurs rechignent à payer « trop » cher leur « bifsteck » et leur lait, d’un autre côté ils dénoncent toujours plus (et c’est tant mieux) les conditions souvent peu reluisantes de l’élevage et surtout de l’abattage de nos très chères bêtes (« Fine » donc). Les vidéos prises entre autre par l’association L214 pour dénoncer certaines pratiques odieuses de cette « industrie alimentaire » ne sont pas supportables. Donc on ne les regarde pas. Mais alors quoi ?
  • Par ailleurs, pris en étau entre la PAC, ses normes de qualité extrêmes, les subventions qui parfois arrivent en retard/ou pas et la pression de la grande distribution, les éleveurs français sont au bord de la misère. Même si on connait les chiffres, ceux-ci sont tout bonnement effrayants et il est bon d’en rappeler quelques-uns. Ainsi, en 2016, plus de 50% des agriculteurs français gagnaient 350 Euros par mois (contre 20% en 2014). C’est terrifiant. Dit autrement : en 2015, le revenu moyen d’un agriculteur était de 25 400 euros par an. Et encore, seules étaient alors décomptées les deux tiers d’exploitations dont le revenu dépassait… justement les 25 000 euros.
  • Parmi les plus pauvres des plus pauvres, les moins bien lotis étaient alors les éleveurs laitiers qui ont vu en 2015 leurs revenus diminuer de près de 30%, suivis de près par les éleveurs porcins. Sur le marché de gros, le kilo de cochon c’est 1,4 euros !!!!! On croit rêver !
  • L’horreur noire en somme qui explique le taux de suicide dans la profession. En 2007/2009, un agriculteur se suicidait tous les deux jours dans l’hexagone. Le chiffre total s’élevant alors à 161 pour la période. En 2010/2011, 300 agriculteurs se sont suicidés. Un par jour en 2016?
  • Alors, qu’est-ce qu’on fait de « Fine » ????
  • Ce monde est vaguement déréglé, parce que parallèlement donc, et comme l’explique le Spiegel, à l’échelle mondiale et au rythme où va l’augmentation de la population, en 2050, il faudrait 3 planètes pour assurer la production de viande nécessaire à l’alimentation des 9,7 milliards d’êtres humains de la terre. Actuellement, 70% des surfaces agricoles mondiales seraient consacrées à l’élevage, alors que celui-ci est responsable de près de 20% des émissions de gaz à effet de serre et bien plus dommageable que toute la circulation automobile et aérienne prise dans son ensemble (source ONU). Cela paraît fou, mais semble être ainsi.

Bref. Pour sauver « Fine », que l’on n’a pas envie de voire disparaître, à cause de sa belle robe, et de son flegme masticatoire apaisant, il faudrait ne plus manger que de la volaille et du porc (mais leurs conditions de « vie » ne sont pas franchement meilleures) et accepter de payer 40% plus cher la viande de bœuf. Soit, basculer entre autre vers des circuits de vente court (coopératives de producteurs / consommateurs). Ou manger des « faux steaks » donc. Faits à partir de protéines végétales auxquelles on aurait ajouté un colorant rouge pour faire plus vrai.

Tout ça, n’arrange pas nos neurones. Espérant alors que « Fine » aura eu le mérite d’attirer sur elle l’attention des « présidentiables » et qu’ils ne se seront pas déplacés que pour faire… leur propre campagne. En France, 35% des agriculteurs se disent prêts à voter Marine.

* Celle de Chanel étant en ce moment Lily-Rose Depp

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