En ce matin du dimanche 22 mars 2015, dans un village du nord de la Bourgogne comme partout ailleurs en France, le retour du printemps que l’on croyait acquis depuis une semaine déjà, n’est plus d’actualité.
Pourtant, du bout de leurs tiges drues et pleines de vitalité, les jonquilles sont écloses et vous toisent de toute leur splendeur jaune dorée. Mais le ciel est gris, brumeux, il fait froid et l’on frissonne en remettant une bûche dans la cheminée.
Sur la table du petit déjeuner, notre hôte du jour, déploie autour de son bol de café fumant, les 3 tracts officiels des élections départementales pour lesquelles les bureaux de vote viennent d’ouvrir.
« Bein, moi, dit-il d’un ton bravache, je vais voter Marine ».
Et vlan pour – ou plutôt contre – les élites du cru, les petites bisbilles personnelles entre ces messieurs dames, les taxes diverses qui ont encore augmenté, Hollande qui est vraiment trop nul, Sarko que ce n’est pas mieux, la vieillesse et ses misères…
La sortie, tout en défi, n’est pas censée prêter à discussion, mais on rétorque un ferme : « tu sais ce que j’en pense : rien de bon. Et puis, ce n’est pas malin. Imagine toi que tout le monde fasse comme toi ? Vous allez être bien après en France ».
Évidemment tout le monde a fait comme lui.
En Bourgogne tout du moins et dans l’Yonne en particulier où le FN est arrivé avec 25,18% des voix derrière l’UDI (29,5%) et devant le PS (20%), raflant 4 cantons dès le premier tour et se qualifiant quoi qu’il en soit dans 19 sur les 21existant. Du jamais vu dans ce département de tout temps anticlérical, rad-soc, PS ou gentiment de droite « républicaine ». Après le Sud-Est, le FN s’étend bien progressivement dans tout le Nord-Est de la France et, en sus, la Normandie, soit en pleine ruralité.
Comme toujours, il suffit de traverser le dit village pour savoir pourquoi.
Non pas qu’il soit miséreux. Passés de 60 à 8 en quelques décennies, les agriculteurs ont des exploitations remembrées d’une certaine taille/taille certaine. A une heure de Paris en train, le bourg à même réussi à voire sa population augmenter de navetteurs ces dernières années. Mais pour autant on vit chichement (loyer, essence…), acrobatiquement (suivant les variations du cours du blé) et avec beaucoup moins de gaieté.
Les commerces ont foutu le camp, le Crédit agricole et son distributeur a plié bagage, les services publics n’assurent plus que de rares permanences. Rien que du classique. Pour les petits pois en boîte, c’est 20 kms aller/retour quoi.
Et de fait.
Bien qu’il soit une heure avancée de la matinée, mais pas encore midi, soit l’heure de déjeuner, les rues sont effectivement absolument désertes. De part et d’autre, des enfilades de maisons fermées ou « à vendre ».
Plus un chien qui n’aboie à votre passage. Pas de poules en vue, certainement pas de coq (leurs cris gênent maintenant), quant aux vaches, cela fait longtemps qu’elles ont disparu.
Seuls restent quelques chats qui, recroquevillés sur des murets, vous regardent passer.
On prend le virage du « Café français », qui avec la boulangerie, ouverte à mi-temps maintenant- et la pharmacie, résiste comme dernier commerce du village. Aucun rassemblement devant ses portes, pas un client. Même l’Eglise se tait. Elle ne doit pas être « de service » cette semaine.
Dans ce contexte, pas étonnant que les édiles du FN fassent fureur. En caressant dans le sens du poil avec leurs tracts dont voici quelques extraits :
« Hausse de la pauvreté, du chômage, du coût de la vie, de l’insécurité : nos territoires ruraux, qui représentent quatre cinquièmes de notre pays, souffrent en silence, oubliés par nos élites !
Moins de gendarmerie, c’est plus de violence et de délinquance !
Le massacre de l’emploi et des services publics de proximité transforme nos villages en dortoirs, en villégiatures pour riches citadins ou en déserts !*
En répartissant le poids de l’immigration dans les territoires ruraux déjà lourdement touchés par le chômage, le gouvernement préfère disséminer les problèmes plutôt que des les résoudre ! »
Crédioux !
En voilà un discours à vous mobiliser !
D’ailleurs, si vous regardez bien la photo ci-dessous, derrière un fourré, vous trouverez bien un immigré clandestin ou un petit criminel faisant du vol à la tire de…..panier de champignons.
Peu importe. Cela fonctionne. Comme l’histoire des arroseurs arrosés malheureusement.
* « Rendez-nous nos coqs », ndlr