Hier soir, à la nuit tombante au bord du Rhin à Cologne, tout était devenu un instant miraculeusement calme. Le bleu marine profond du ciel clair envahissait peu à peu tout l’espace. De ça et là et au loin, de vieux bateaux amarrés et des bâtiments illuminés, se détachaient comme des phares, élargissant notre horizon de leurs couleurs rouge, verte et néon. Les arbres étaient parfaitement nus, leurs branches vierges se détachant de part et d’autre du fleuve dans ce qui restait de crépuscule.
Le silence régnait, comme un avant goût de celui cotonneux de l’hiver à venir.
Le silence. Enfin. Mais à quel prix toutes ces semaines passées !
Ici, outre-Rhin, il semblerait en effet que les feuilles en automne n’aient plus le droit de tomber tranquillement et de joncher le sol en un tapis doré. Et pourtant. Dans ce pays au climat continental sans vrai été, l’automne indien, qui lui ne manquait jamais d’arriver, était encore une des plus belles saisons de l’année. Le ciel bleu, les feuilles brunes, or, orangées ou jaune canari produisaient un tableau d’une luminosité et beauté telle qu’on le mangeait véritablement des yeux.
Cette année, c’était cependant sans compter sur le lobby des « souffleuses de feuilles mortes » qui ne leur a pas laissé une seule chance. Pas une.
Ces moyens ou petits engins, à l’essence ou électricité, destinés à l’origine à faciliter la tâche des municipalités dans l’obligation de libérer les voies publiques, ont en effet poussé comme des champignons.
Vendus pour moins de 30 euros dans les Obi, Baumarkt et autres chaînes de magasins de bricolage ou de jardinerie, pas un propriétaire de jardin, de 10 à 20m2 ne semble y avoir résisté.
Il paraît que cela fait plus viril que de manier le râteau.
Résultat, depuis trois semaines, notre fin d’automne a été littéralement sabotée par leur bruit infernal d’au moins 120 décibels.
Leur vrombissement à s’arracher les oreilles revenant de manière récurrente ponctuer toute votre journée. Quand vous buvez votre café, quand vous sortez de chez vous, où y revenez, sous la douche, concentré à votre bureau…
Bref, un petit enfer.
Mais c’est tellement moins lourd à manier, respectueux de la nature, puisque les insectes ne savent plus où se loger, et que les poussières ainsi soulevées, grâce à une puissance de soufflerie atteignant les 200 à 300 km/h, se mélangent alors aisément dans vos poumons avec les microparticules dégagées par leur moteur à essence. Top quoi.
A Aix-la-Chapelle, près de la frontière belge, un quartier s’est même enflammé à cause de ces « Laubbläser », obligeant la police à venir à huit voitures pour empêcher les habitants de s’entretuer.
D’après le Courrier international, il semblerait que dans les pays d’Europe du Nord, les citoyens commencent à pétitionner.
Et en France ? Pour l’heure, pas de vague sur le net.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Et le vent du nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli…